La Chèvre était un de mes films cultes quand j'étais gamin. Voir un type se prendre une porte dans la gueule était pour moi le summum de l'humour. Voir un autre type mettre des coups de boule à tout va était pour moi le summum de la virilité.
Depuis, de l'eau a coulé sous les ponts. J'ai découvert le Professeur Rollin, Pierre Desproges et qu'on pouvait être drôle sans se casser la binette un plan sur deux... J'ai appris que la virilité c'était un concept de merde (surtout quand on ne sait pas trop comment ça fonctionne) et que j'avais plutôt intérêt à assumer ma part de féminité! (SmileShaw se délectera probablement de cette phrase qu'elle utilisera contre moi en toute occasion...). Bref je suis devenu snob! Et pourtant, j'aime toujours La Chèvre. J'en vois les limites certes. Mais j'en vois surtout la beauté.
Cette beauté tient en un seul nom: Pierre Richard. Pierre Richard le sublime ahuri. Beau dans la chute comme un vers de Robert Desnos. Pierre Richard semble avoir été créé par André Franquin. Tout à la fois gaffeur et poète. Un Gaston Lagaffe cinématographique.
Il élève la chute au rang d'art et transforme un film banal en performance. Il propose une esthétique de l'échec qui émeut autant qu'elle fait rire.
Il est le seul en (à l'exception probablement de Jacques Villeret) à rendre à l'écran la tristesse du clown aussi belle, douloureuse et drôlatique.
Je sais que je m'enflamme et que La Chèvre n'est qu'un buddy movie français bancal mais si vous regardez bien, vous y verrez la patte d'un génie...