Voilà un film que je n’avais pas revu depuis plusieurs années mais que je connais encore parfaitement par cœur. Il faut dire que La Chèvre, je l’ai usée jusqu’à la corde. Sur VHS ou à la télé, cette comédie m’a accompagné tout au long de mon enfance et fait partie des films que j’ai le plus vus. Adulte, j’ai continué à le regarder régulièrement presque jusqu’à l’écœurement. Cela faisait peut-être cinq ans que je ne l’avais plus regardé, soit ma plus longue période d’abstinence. Rien ne change cependant. Je connais les répliques par cœur, les musiques, les scènes, les réactions des personnages, et je ris juste avant les gags comme une baleine. La Chèvre est, à mes yeux, une des meilleures comédies françaises. Le duo composé par Pierre Richard et Gérard Depardieu est extraordinaire, le pitch amusant, l’histoire bien ficelée, le rythme trépidant.
Francis Veber est un orfèvre et je l’adore. Parmi mes cinq comédies préférées, trois ont été réalisées ou écrites par lui, c’est dire. Ce sens du rythme, cette qualité du dialogue et cette exigence de l’interprétation font des ravages. La première heure de cette comédie est une pure folie. Les scènes de dingue s’enchaînent les unes derrière les autres, provocant fous rires sur fous rires. Que ce soit la scène du chariot devant l’aéroport, le décollage de l’avion, l’apéritif à l’hôtel, le bar à putes, les dialogues dans la voiture, on touche ici à la perfection. Pierre Richard, en maladroit un brin naïf mais pas idiot, est autrement plus efficace que lorsqu’il se met en scène. Posé dans un cadre qui l’empêche de se laisser aller à des pitreries faciles, il est vraiment formidable. En fonceur cartésien au coup de poing facile, Gérard Depardieu prolonge les personnages de Lino Ventura (initialement prévu pour le rôle) avec une grande conviction même s’il aurait préféré jouer le rôle de son partenaire (il devra attendre Tais-toi ! pour interpréter le faible du duo).
Initiant une trilogie qui les réunira tous les trois (Veber, Richard, Depardieu) dans les années 80, La Chèvre est assurément la comédie la plus aboutie, la plus équilibrée et la plus drôle du trio. La musique de Vladimir Cosma fait merveille, les paysages sont plutôt bien exploités (l’aventure ne cède jamais à la facilité du voyage carte postale) et les situations sont d’une folle richesse. La dernière partie est certainement est un peu plus faible que le reste (presque quarante ans après, ce sentiment demeure même si cela reste très bon) mais, contrairement aux mauvaises habitudes de Francis Veber, la fin est bien fichue et n’a rien d’abrupt. Une excellente comédie, peut-être désuète pour certains, mais qui reste, à mon sens, une des plus grandes réussites du cinéma français.