Vanishing girl

C'est en visionnant un peu par hasard L'Homme Qui Voulait Savoir ("Découvre-le, ce n'est pas un film comme les autres" m'a-t-on dit) que je suis littéralement tombée des nues face à ma totale immersion au sein du métrage. Des thrillers comme celui-ci, il n'y en a malheureusement pas beaucoup, voire même plus du tout à notre époque. Mais comme le cinéma est raisonnablement cyclique, il est clair que nous reviendrons un jour à ce type d'horrible mystère, sans violence gratuite, ni courses-poursuites effrénées vues et revues des milliers de fois déjà. Ici, c'est par le biais de l'introspection que l'on pénètre délicatement dans cette sordide affaire liée à une disparition.

Au milieu des années 1980, en , sur la route des vacances, un couple de jeunes Néerlandais, Saskia et Rex, font une halte sur une aire d'autoroute. Après avoir accompli quelques achats, Saskia disparaît. Suite à trois années de quête infructueuse, Rex reçoit un étrange courrier, dont l'auteur prétend connaître la vérité sur la disparition de Saskia…

Tout débute ici avec un ouvrage de Tim Krabbé, célèbre écrivain, journaliste, coureur cycliste et joueur d'échecs néerlandais, qui se voit découvert par le réalisateur George Sluizer et qui décide d'en acquérir les droits afin de réaliser son 9e long-métrage. Après Red Desert Penitentiery, autre adaptation d'un roman de Krabbé, L'Homme Qui Voulait Savoir reste encore de nos jours le plus grand succès commercial du cinéaste. D'abord scénarisé par le réalisateur aux côtés de l'auteur, les deux hommes ne s'entendent guère à propos de la reconstruction de l'histoire. Une dispute relativement violente décide alors Sluizer à mettre un terme à leur collaboration afin d'achever le script en solo.

Durant le casting, le cinéaste fait la connaissance de Johanna ter Steege, une jeune actrice de théâtre qui n'a aucune expérience cinématographique, mais que Sluizer engage après avoir simplement conversé avec elle. Pour incarner son fiancé, le réalisateur embauche Gene Bervoets, qui n'a guère plus d'expérience que la jeune actrice, mais qui a néanmoins l'avantage de s'illustrer en néerlandais et en français. Et pour le rôle principal autour duquel tout s'articule, Sluizer souhaite immodérément employer Jean-Louis Trintignant, qui, malheureusement, a décidé de faire un break avec le cinéma à ce moment-là.

En se creusant la tête, Sluizer pense alors à Bernard-Pierre Donnadieu qu'il avait dirigé 9 ans plus tôt dans Un Homme, Deux Femmes. Le comédien français n'interprétait certes qu'un petit rôle, mais avait indéniablement marqué le cinéaste de par sa prestance. En découvrant le scénario, Donnadieu accepte immédiatement d'incarner cet assassin psychopathe, doublé d'un bon père de famille.

L'indéniable différence avec la plupart des autres thrillers réalisés au milieu des années 1980 reste certainement l'aspect philosophique qui défie constamment la norme, mais également le destin. Ici, l'assassin est remarquablement intelligent, paternaliste, mais sans véritable conscience. Ce qui le pousse inévitablement à penser différemment des autres, même si sa méthode réfléchie pour kidnapper une jeune femme va longuement prendre son temps. Car la notion du bien et du mal n'existe pas vraiment dans l'esprit du cinéaste. Pour lui, tout est indéniablement gris et c'est en ce sens que le jeune homme néerlandais n'est pas non plus le garçon le plus gentil du monde envers sa fiancée. Mais néanmoins, la soudaine disparition de cette dernière cristallisera ses sentiments en véritable obsession. Car finalement, rien n'est blanc ici. Ni éperdument noir. Nous restons indéfiniment sur une ligne qui caractérise pleinement l'esprit humain sous toutes ses coutures et c'est ce qui fait inconditionnellement la force du métrage.

Les jeux aussi troubles que pervers des deux personnages masculins restent indéniablement l'intense puissance de ce long-métrage réellement atypique. J'ignore pour ma part si les autres œuvres de Sluizer sont du même acabit, mais il paraîtrait que le remake U.S de L'Homme Qui Voulait Savoir, re-titré La Disparue, avec Jeff Bridges et Kiefer Sutherland, reste tout bonnement catastrophique malgré la mise en scène du même George Sluizer. De par l'absence de toute violence philosophique imposée par les producteurs hollywoodiens lors du tournage, le cinéaste dût vraisemblablement se plier aux exigences de ces messieurs et achever le film très différemment.

Pour parachever mon petit texte, il y a plusieurs scènes dans le film qui furent tournées à Nîmes, Place Aux Herbes, sur la terrasse du Bar des Beaux-Arts, juste en face de la cathédrale Notre-Dame et Saint-Castor. Une place où vécurent un temps l'une de mes amies et sa famille et où j'ai é tout un été en leur compagnie lorsque j'avais 16 ans. J'ai vécu d'innombrables soirées à la terrasse de ce bar et la place ne s'est guère métamorphosée depuis 1988 (la petite fontaine noire, au milieu, y est toujours). Quant à l'appartement où vit le personnage incarné par Bernard-Pierre Donnadieu, toujours sur la même place, il était occupé par un jeune homme d'environ 22 ans qui était fort craquant. Petite pensée à lui 🧡 Bref, agréablement surprise de (re)découvrir l'endroit en visionnant le film.

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le 18 mai 2025

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