Bien moins connu que Le troisième homme, tourné quatre ans plus tôt, L'homme de Berlin n'est pas loin de le valoir. Là encore, Carol Reed (cinéaste sous-évalué, voir Train de nuit pour Munich ou Huit heures de sursis) s'inspire de la poésie mortifère des décors d'une ville dévastée, en l'occurrence Berlin, divisée entre l'est et l'ouest, avant même la construction du mur. Des zones interlopes où l'on trouve de tout : un ancien de la Wehrmacht qui en a trop vu et une fraiche anglaise qui découvre le partage des idéologies avec naïveté. Une histoire d'amour qui peine à se lever et qui est morte née. Le film mêle le suspense, la romance et la noirceur au milieu des ruines, de la neige et des terrains vagues. Bizarrement, alors qu'on y risque sa vie, il y a une forme d'insouciance et de lâcher prise ou simplement que le destin est écrit et que cela ne sert à rien de s'insurger contre. La mise en scène est moins baroque que dans Le troisième homme mais elle est superbe tout de même. James Mason, comme d'habitude, est remarquable en cynique au coeur en hiver mais pas encore tout à fait perdu. Claire Bloom, merveilleuse actrice (Les feux de la rampe, Les liaisons coupables, La maison du diable) fait preuve d'une maturité de jeu incomparable, fausse oie blanche et vraie intelligence des sentiments. Un peu de chaleur dans la guerre froide.