Loin des expéditions tragiques de Scott ou dramatiques de Shackleton, loin même des difficultés d'Amundsen ou autres explorateurs, voici cinq norvégiens et un suédois à qui on promet l'échec total, voire la mort et qui mettent tout leur humour à filmer sinon leur "croisière paradisiaque", du moins la facilité avec laquelle la nourriture leur tombe dessus, tels des Hébreux recevant la mane, la facilité avec laquelle leur radeau apprend à se diriger seul la plupart du temps, les privant de tout effort prolongé, la facilité avec laquelle courants et vents les dirige exactement là où ils le désirent. D'ailleurs il ne sera question des deux tempêtes essuyées pendant les 104 jours de leur périple que par la voix, personne n'ayant songé à filmer pendant ce temps-là, trop occupé à soigner leur radeau de balsa et de cordes. Il y aura tout de même quelques ailerons de requins et des évents de baleine menaçant de renverser le radeau mais il y aura surtout, larme jeté sur l'océan, la mort de Lolita, petit perroquet curieux et espiègle, emporté par l'équipage puis par une vague.
Le film est entouré d'une présentation "hollywoodienne", qui apparaît un peu inutile aujourd'hui et vieillie, même si les membres de l'expédition en chair et en os injectent dans cette cérémonie didactique une bonne dose d'humour qui ne cessera pas dans le commentaire du film tourné par eux-mêmes, commentaire en anglais avec accent norvégien, sans doute trop présent mais sans un gramme d'autoglorification.
On oublie assez vite la thèse et même la preuve quasi faite par le film de cette thèse pour se laisser immerger dans cet océan de paix, se laisser aller à une promenade solitaire en canot lorsque la promiscuité est trop pesante et surtout à la variété des prises de vues, qui ne sont pas pour rien dans la sensation générale laissée par le film. Sans oublier le bouquet final formé de deux danseuses.