Pour préparer mon départ imminent pour la Nouvelle-Zélande, à défaut de me préoccuper de ce que je ferai en arrivant, je regarde des films du cru. L'île des kiwis s'est faite connaître dans les 20 dernières années pour ses paysages hors du commun tels que la plage de La leçon de piano ou les paysages fantastiques du Seigneur des Anneaux. Le premier plan du film, un zoom arrière sur un de ces paysages de rêves qui se révèle être un panneau publicitaire sur le bord de l'autoroute, vous le dit clairement : tout ça vous pouvez oublier. Ce sera quasiment le dernier paysage que vous verrez du film.
Car Once Were Warriors nous montre l'autre face de la Nouvelle-Zélande, celle qu'on ne voit pas sur les cartes postales. La focale se porte sur une famille de maoris marginalisés dans cette société moderne dominée par des "kiwis" blancs bien british.
Ce film est avant tout un film coup de poing, qui nous plonge dans le quotidien de cette famille tyrannisée par un père en perdition, dans une spirale de misère sans fin ou l'alcool entraîne la violence et le délitement des liens familiaux. Certaines scènes sont extrêmement fortes psychologiquement et m'ont personnellement mis en PLS comme jamais un film n'avait pu le faire.
Pour autant il faut bien reconnaître que de ce point de vue, les procédés utilisés par le film sont aussi grossiers que le POIIIIIIN d'Inception : les personnages tant du père que de la mère ou des enfants sont carrément caricaturaux, et bien que ça ait produit exactement l'effet escompté sur moi, je comprends que ça puisse agacer.
Non, la véritable richesse du film est ailleurs. La famille de Jake et Beth symbolise une nation maorie en perdition, dépossédée de ses terres et vivant dans des ghettos d'Auckland en bord d'autoroute. Les tatouages traditionnels perdent de leur signification pour devenir les attributs des membres de gangs qui profitent de l'effondrement ambiant. Le haka est utilisé pour occuper les jeunes dans les centres de réinsertion ce qui donne lieu à une des scènes les plus fortes du film.
La question centrale, c'est celle de l'authenticité : quand les maoris vivent à l'occidentale et rappellent à bien des égards les noirs américains, qu'est-ce qui fait d'eux des maoris ? Le retour dans la famille de Beth, qui préserve les traditions telles que le culte des ancêtres sonne comme une recherche de réponses à cette question mais reste vain, le refuge dans le é n'étant pas non plus envisageable.
Our people once were warriors, but not like you, Jake.
They were a people with mana, pride.
People with spirit.