Il est probable que ceux qui me connaissent un tout petit peu mettent la sévérité de la note que j'ai attribué à I origins sur le compte d'un athéisme virulent, m'ayant empêché de discerner ses qualités fragiles et touchantes: une photo agréable, une histoire d'amour pleine de grâce, un fil narratif inattendu.
Pourtant, je vous l'assure, il n'en est rien.
Pas plus tard qu'il y a quelques jours, par exemple, je mettais une note parmi les plus élevées à une histoire de nonne convaincue qu'elle agissait au nom du bon dieu, voyant des signes évidents de Sa volonté un peu partout autour d'elle, dans une histoire délicieuse mise en scène par ce bon Douglas Sirk. De la même façon, une autre histoire de religieuses, vertigineusement illustrée par Powell et Presburger, fait partie, depuis un bon moment, de mes plus grands émois cinéphiles.
Même quand elle n'est pas le sujet direct de son propos ou sa représentation formelle à l'écran, une tentative de recherche mystique, plus ou moins masquée, ne me rebute pas forcément non plus. Par leurs moments de poésie pure ou d'humour oniriques, par la singularité de leur regard et de leur langage, Malick ou Lynch sont régulièrement capables de me faire avaler les plus indigestes des pilules.
Mon rejet n'ayant donc pour cause nulle allergie mystique ou prosélyte, c'est bien dans la trajectoire du film de Cahill que se situe mon refus final et une forme d'intolérance consommée. Par sa façon malhonnête de dissimuler un propos abscons.
Là où certains ont vu dans le propos une fraîcheur et une originalité aussi agréables que rares, d'autres, dont je suis, d'abord un temps intrigués, n'ont pu se résoudre à voir dans ce fil narratif erratique autre chose qu'un aveu absolu de maladresse coupable. Quand on recolle en fin de compte les bribes éparses d'un récit aussi naïvement destructuré, on ne peut qu'être saisi par un sentiment de colère, au moment où on se rend compte que le bout du chemin est une ime sombre et malodorante. Mike Cahill fait alors figure d'anti-poète absolu. Un ersatz de cinéaste surpris en plein exercice d'escroquerie.
Un Paolo Coelo déguisé en Richard Brautigan. Un Barbelivien avec les fringues de Nick Cave. Luc Besson avec les lunettes de Scorsese et le cigare de Welles. Une fraise industrielle qui se défait de sa peau de grenade mûre à point.
Bref, vous voyez le topo.
Je ne dis pas, dans ma série de comparaisons, que l'un est forcément meilleur que l'autre (quoi que, quand même) je dis surtout que ce type essaie de se faire er pour ce qu'il n'est pas.
Qu'on réalise quand même que I Origins raconte l'histoire d'un scientifique ionné par les yeux qui cherche, dans la cadre de ses recherches, à en créer ex-nihilo, qui ensuite retrouve le coup de foudre d'un soir grâce à une pub représentant en gros plans les yeux de sa future femme, et dont les convictions scientifiques seront ébranlées par un scanner des yeux pratiqué sur son nouveau-né, lui permettant de mettre en lumière un phénomène de métempsycose stupéfiant, uniquement possible parce que des paysans de l'Amérique profonde et des enfants d'Inde se font massivement photographier les yeux. C'est pas d'yeux possible !
(Dans le monde d'aujourd'hui. Si si. On apprend entre autre que presque un quart de la planète a subi un scanner rétinien et est fiché. Sidérant).
Et derrière cette avalanche absurde, (je vous épargne par exemple la proximité des sujets d'étude - un fils, une ex - qui permet à notre héros de mettre en pratique sa découverte stupéfiante) un des principes fondamentaux du récit se révèle soudain dans l'étendue nue et glaciale de sa laideur:
-- les yeux sont le miroir de l'âme--.
Vous avez bien lu: le scénario du film repose sur cette banale assertion de collégienne acnéique et sans doute redoublante.
Mike Cahill, c'est donc le copain un peu inoffensif qui inonde ta time-line Facebook avec des photos surfiltrées au service de sentences morales spirituelles issues de la page "sais-tu que...". Le tout pourrait se contenter de n'être que gênant si le type ne cherchait pas à déguiser son propos en objet arty et branchouille, profond et humaniste (réconcilions science et mysticisme, invoquons Einstein et le Dalaï Lama dans le même dialogue et chacun y retrouvera ses petits) qui rend au final l'exercice indigeste, naviguant entre malhonnêteté et paresse intellectuelle.
Car non, Mike, désolé, mais la poésie, l'amour ou la recherche spirituelle ne sont pas forcément synonymes de prêchi-prêcha new-age niaiseux. L'amore dans l'âme, ça ne marche pas, bro.
Fallait pourtant s'en douter. A trop faire de gros plans sur des pupilles plus ou moins dilatées, on finit naturellement par avoir les yeux plus gros que l'égo.
La réincarnation anglo-saxonne, moi ça me soul.