Probablement l'un des meilleurs films de Joel Schumacher, d'une qualité infiniment supérieure à ses Batman Forever et Batman & Robin. Le film de vampires Génération perdue marche parce qu'il utilise également des codes propres à la fois aux années 80 et à Schumacher :
- La B.O. est superbe, bien que tournée pop rock ou new wave, elle arrive à s'insérer dans ce film d'horreur avec des titres comme I Still Believe (la version live du saxophoniste Tim Cappello, pas celle du groupe The Call, tout aussi géniale et envoutante), People Are Strange par Echo & The Bunnymen (plus post-punk et mélancholique), Good Times par INXS et Cry Little Sister par Gerard McMann (le thème du film, un titre de goth rock qui décrit bien les enjeux du film).
- Bien entendu, connaissant Schumacher, il y a aussi des renvois implicites à l'homo-érotisme : on voit ça rien qu'avec la tenue de Tim Cappello dans la scène où il joue en live à Santa Carla (torse nu huilé, musclé, futal en cuir rose et noir), avec le look androgyne digne d'un groupe de glam rock chez les vampires de David (et dans certaines de leurs relations), et même dans certaines affiches et chansons (dont Don't Let the Sun Go Down on Me, une reprise d'une chanson d'Elton John).
- L'utilisation de néons de lumières, du clair-obscur et de la brume est assez efficace, arrivant à la fois à respecter les conventions de films d'horreurs et de vampires tout en apportant du "sang frais" aux genres.
- La description des bas-fonds et des disputes entre bandes de voyous et de motards (comme dans Batman & Robin, mais en mieux). D'ailleurs, on peut comparer les vampires de David à des junkies aveuglés par la drogue et le sentiment de toute-puissance.
Dans un sens, c'est peut-être ce film qui a inspiré en partie la vision de Schumacher sur Batman & Robin, puisque les deux films parlent de créatures de la nuit, de jeunes motards adeptes de sensations fortes, de justiciers (en faisant aussi référence aux Frog, des frangins chasseurs de vampire et vendeurs de comic-books), d'amour, etc.
Dommage que Schumacher ait cherché par la suite à satisfaire un grand public tout en prenant un ton bizarre parfois inapplicable à Batman & Robin (la volonté de se rapprocher de l'ambiance années 60)... mais je digresse, ons.
Même si Génération perdue est un bon film de vampires à la fois classique et moderne (comme Vampire ? Vous avez dit Vampire ?) se ant dans une Santa Carla californienne très vivante, diversifiée, colorée et ludique aussi bien le jour que la nuit, le long-métrage a quand même quelques défauts :
- Il est avoué un peu tard que la bande à David est une bande de vampires, et ladite bande est plus présenté comme des motards qui se la jouent qu'autre chose. On aurait presque fait la comparaison avec des junkies (puisque le héros Michael semble plus camé que vampirisé pendant sa métamorphose), ce qui aurait été bien si ça n'avait pas été accéléré pour finir l'intrigue au plus vite.
- Les chasseurs de vampires (Edgar et Allan Frog) ne sont pas très crédibles : ils sont trop jeunes et essayent de jouer les durs (menaçant de tuer Michael si son frangin ne le fait pas), mais ils ne s'avèrent efficaces que la moitié du temps (ressemblant à un mauvais décalque de Peter Vincent du Fright Night de 1985).
- Les relations entre David et Michael, ou l'histoire d'amour entre Michael et Star, ne sont pas assez développées ; ça aurait été intéressant de voir une relation maître/esclave vampires plus poussée. C'est sûr, ce n'est pas aussi poussé que dans Aux frontières de l'Aube, sortie la même année.
- Pour un film de "comédie/horreur trash", c'est ni très drôle ni très sanguinolent. Le film, bien qu'ayant une excellente atmosphère à la californienne, peut souffrir de la comparaison avec Vampire ? Vous avez dit Vampire ? Ce Génération perdue paraît alors très familial ou tout public à certains moments (surtout avec le twist final, très prévisible), mais on appréciera une scène de salle de bain inondée de sang et une attaque de proies.
Cependant, c'est un film de vampires recommandable, plaisant, entrainant, toujours mieux que n'importe quelle adaptation des histoires de Anne Rice ou Stephanie Meyer (qui ont contribué à ruiner la figure du vampire en le rendant "trop beau" ou trop gentil avec Twilight et autres cochonneries pseudo-littéraires).
Car même si c'est vrai que les vampires de David sont des "BG" mi-motards mi-glam rockers, leurs visages restent déformés et effrayants quans ils sont assoiffés de sang (contrairement à Robert Patinson, qui n'était qu'une bête boule de disco).
Schumacher, lui au moins, a respecté les codes du genre tout en apportant d'autres. L'ironie est cependant de constater que les autres réalisateurs, qui ont pris la suite de sa Génération perdue, ont fait aussi mal que lui lorsqu'il a pris la suite des Batman de Tim Burton.
Comme quoi, il n'a y a qu'un seul vrai bon film Batman, tout comme il n'y a qu'une seule bonne Génération perdue. Laissons les bons réalisateurs faire et garder leurs bons films, et ne leur demandons pas d'échanger ou même de changer...