Pour son avant-dernier film, Alfred Hitchcock revient dans son Angleterre natale après plus de 30 ans (si l'on excepte un bref intermède londonien dans L'Homme qui en savait trop en 1956), et particulièrement à Londres où il dresse un tableau d'une ville inquiétante, sordide, malsaine dans laquelle le meurtre trouve son creuset. Hitchcock met en place des éléments qu'il connait bien en traitant une nouvelle fois de son thème favori du faux coupable, avec un mystérieux sadique qui assassine des femmes blondes et pulpeuses en les étranglant avec des cravates.
La personnalité de l'assassin est assez vite révélée, Hitchcock préférant s'intéresser aux protagonistes, en tissant des liens étroits entre les personnages et en jouant à la fois sur un humour noir délicieux et un réalisme social qu'on a peu vu dans ses derniers films. L'humour macabre contrebalance en effet la noirceur du sujet et la sordide réalité des crimes, et le fait que ses acteurs britanniques soient moins connus du public américain que ceux de ses films hollywoodiens donne indéniablement à cette démonstration une vérité encore plus rigoureuse.
Le Maître brouille bien les pistes et mène le spectateur aux limites du drame horrifique, sans abandonner des clins d'oeil complices et aussi son sens de la technique avec d'intéressants mouvements de caméra. Je trouve cependant un peu moins réussi que celui de Psychose le personnage du malade mental criminel, mais ce n'est sans doute qu'une impression, j'apprécie en outre particulièrement cette ambiance londonienne un peu populaire et celle du marché de Covent Garden que je connais pour y être allé, tout est bien restitué. Un film un peu singulier dans l'oeuvre d'Hitchcock qui gagne à être mieux connu.