Eros
5.7
Eros

Film de Wong Kar-Wai (2004)

Voir le film

Eros par Maxime Pepe Lucho

Notes sur le film : Film collectif inégal, Eros a la bonne idée d’aller crescendo, en partant du pire pour se clore par un chef-d’œuvre. Le pire, c’est l’essai de Michelangelo Antonioni, qui est sorti de sa retraite en 2004 – dernier long-métrage en 1995, dernier court en 1997 – pour filmer de la manière la moins subtile possible les femmes, en nous proposant une idée réductrice de l’érotisme. Obsédé par les poitrines, le cinéaste propose une rencontre charnelle écrite comme un film érotique de bas étage, pour enfin se conclure par la nudité totale de deux femmes sculpturales sur une plage. Un naufrage assez dément pour le réalisateur vénérable de Blow Up (1966), L’Eclipse (1962), Zabriskie Point (1970) et Profession Reporter (1975), voire d’un des segments du collectif et très réussi L’Amour à la ville (1953).

L’opus de Steven Soderbergh est bien moins navrant, à l’évidence, et offre un traitement duel de l’érotisme, visible au sein de la même longue séquence en noir et blanc dans un cabinet : l’humour est pour le psy, le sérieux pour son patient. Contrairement à Michelangelo Antonioni, l’Américain est plus timide visuellement, et on cherche (un peu trop) la dimension érotique du sujet, qui e ici surtout par le verbe et l’évocation - et est proche en cela de son meilleur film, Sexe, Mensonges et vidéo (1989).

Et pour clore le tout, la vraie raison de regarder ce film collectif : The Hand. Cueillant rapidement le spectateur avec une scène d’un érotisme puissant, Wong Kar-wai propose un récit via un flash-back, construit autour d’une histoire d’amour impossible entre une prostituée pauvre mais avec des rêves de grandeur et un jeune tailleur amoureux transi mais inexpérimenté. L’importance de la main – « The Hand », le titre anglais du film – est double ici : c’est de manière évidente l’outil de travail principal du jeune tailleur… mais c’est également un vecteur de plaisir, par le biais de l’action manuelle de la prostituée sur le personnage masculin, ou par celui de l’exploration fétichiste des habits confectionnés pour l’être aimé par le tailleur. La main travaille et donne du plaisir, parfois en même temps, au sein de ce film visuellement soigné, dont le style caractéristique et les motifs visuels rappellent fortement In the mood for love, sorti quatre ans plus tôt. Le final, qui clôt les trajectoires émouvantes par leur différence des deux personnages, achève avec incandescence ce petit bijou romantique – et dont le caractère authentiquement romantique pourrait ne pas paraître évident à cause de sa sexualité exacerbée. Or, ici, et comme rarement au cinéma, amour et sexualité font un parfait ménage.

5
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Films découverts en 2025

Créée

le 17 avr. 2025

Critique lue 9 fois

Maxime Pepe Lucho

Écrit par

Critique lue 9 fois

D'autres avis sur Eros

Pagina senza parole

J'aime bien ce genre de concept moi, donner un thème à trois mecs et laisser carte blanche quant au contenu. Le hic, c'est que ça peut donner ce qu'Eros est devenu, un objet rond sur une étagère...

le 27 sept. 2020

3 j'aime

The Hand Wong Kar Wai !

Concept intéressant, mais où uniquement le premier court métrage celui de WongKarWai aura fait preuve d'un très joli travail comparé aux deux autres cinéaste ayant été à côté de la plaque, et donnant...

Par

le 15 nov. 2020

2 j'aime

The Hand

D'abord, il y a l'envie de revoir, tout-de-suite, ce petit miracle qui s'appelle "The Hand", pour vérifier qu'on n'a pas rêvé, et que Wong Kar-Waï, l'immense Wong Kar-Waï, a bien réalisé un nouveau...

le 15 juil. 2016

2 j'aime

Du même critique

Critique de Years and Years par Maxime Pepe Lucho

Notes sur la série : Cette série écrite par, sur et pour des libéraux s'étale sur six épisodes plein de moraline, avec en fond un discours politique simpliste et inepte - "l'extrême droite et...

le 15 juin 2020

4 j'aime

1

Critique de L'Innocence par Maxime Pepe Lucho

Notes sur le film : Inspiré par Rashômon (1950) d’Akira Kurosawa au niveau de sa structure narrative, L’Innocence - ou « Monstre » en VO, ce qui a plus de sens en regard du film - navigue à travers...

le 10 févr. 2025

2 j'aime

3

Critique de City of Hope par Maxime Pepe Lucho

Notes sur le film : Une oeuvre stimulante et brillante sur un microcosme grouillant de personnages complexes, dont les trajectoires sont, de près ou de loin, sous l'influence d'un système et de...

le 8 juin 2020

2 j'aime