Il y a une magie utile du cinéma français actuellement : parvenir, à travers certains métrages, à construire ce pont, si longtemps détruit, entre un cinéma familial et un cinéma plus subtil. Si Un petit truc en plus d'Artus avait agréablement ouvert la voie en 2024, En Fanfare a clos l'année de la plus belle des façons.
Ces films sont nourris par un thème éculé et qui pourtant fonctionne encore et toujours : la transmission. Ici, elle e par une greffe de moelle osseuse et une découverte fraternelle, très lisible pour le spectateur, mais également par de plus courts instants comme lors de ce formidable échange au clavier dans le garage de Jimmy. Le dialogue musical qui s'y déroule, et où l'on comprend que du Verdi pourrait rapidement devenir un boogie-woogie, est génial. La scène précédente porte elle une transmission plus symbolique, celle d'un disque de jazz, plutôt méconnu, qui tisse un lien intime entre les deux frères.
Si le film prend souvent le contrepied de ce à quoi l'on s'attend, il n'évite pas pour autant les lieux communs à ce genre de production. Trop souvent hélas, l'impression d'être devant un téléfilm de TF1 s'impose à nous. Le déterminisme social et les clivages qui en découlent ou encore l'opposition Paris/Tourcoing sont des facilités qui nous détournent du fait principal du film qui est de lier la fanfare à l'orchestre symphonique. C'est donc là la seule confrontation emballante car elle réjouit l'oreille et le cœur et ne crée finalement aucune fracture. Il n'y a plus de musique savante qui en dominerait une autre plus populaire, tout est lié. Le mot harmonie, évoquant de manière méliorative une fanfare, prend ici tout son sens. La musique, point fort du film (et d'ailleurs franchement bien restituée sur grand écran) est un langage d'union.
Enfin, le mélodrame nous bouleverse. Il débute sur une plage, après l'Emmenez-moi d'Aznavour. Mais c'est bien évidemment la dernière scène qui donne au film toute sa charge émotionnelle et sa profondeur. Le visage ému, marqué et presque extatique de Benjamin Lavernhe lors de son ultime prestation à la Scène musicale renvoie à ses regards de l'histoire du cinéma que l'on n'oublie pas. Toutes proportions gardées, on retrouve dans ce visage malade ceux des acteurs de Visconti (de Dirk Bogarde à Helmut Berger en ant par Burt Lancaster et Giancarlo Giannini) qui nous ont tant marqués.