En fanfare
6.9
En fanfare

Film de Emmanuel Courcol (2024)

La musique dans leurs gènes

Pour ce troisième long-métrage d'Emmanuel Courcol, après son très bon Triomphe en 2021, j'avais la chance d'assister à l'Avant-Première, en présence du réalisateur et de Pierre Lottin, cet acteur truculent en pleine ascension (très bon dans le récent Quand vient l'automne de François Ozon), et en présence… d'une Fanfare dont la musique a bien chauffé une salle comble qui a applaudi le film !

Disons le tout de suite, ce film n'est pas exempt d'imperfections dans le scénario, les dialogues et certaines situations brouillonnes, mais la combinaison du rire et des émotions, entre deux frères que tout oppose, et unis par les gènes de la musique, en font une comédie dramatique originale très réussie, en rapprochant les couches sociales par ce vecteur universel et en mélangeant avec adresse les genres musicaux classiques (dont un certain Boléro et ses échos au film éponyme), de jazz, et de fanfare, et convoquant aussi Monsieur Aznavour (son biopic en salle), avec son magnifique titre Emmenez-moi (et son très à propos couplet : moi qui n'ai connu toute ma vie que le ciel du nord, j'aimerais débarbouiller ce gris, en virant de bord).

Car ces deux frères adoptés jadis séparément par deux familles de milieux sociaux très différents (le film s'interroge avec justesse sur les origines de cette séparation et de son impact sur leurs vies), se rencontrent par le hasard et la nécessité de la vie lorsque Thibaut Desormeaux, cet immense chef d'orchestre (campé par un Benjamin Lavernhe bon chic bon genre, aussi bon qu'à l'accoutumée mais sans plus) a besoin d'un donneur de moëlle épinière qui ne peut-être que quelqu'un de sa famille. Et là on tombe vite (peut-être trop de coïncidences rapides pour les besoins du film) sur son frère Jérémy, employé de cantine dans la petite commune industrieuse de Wallincourt près de Cambrai, et jouant à ses heures perdues du trombone dans le fanfare locale (c'est ça ou le foot !). Jérémy EST Pierre Lottin, on sent bien que ce personnage est fait pour lui, sans doute son premier grand rôle ! Car Jérémy alterne à la perfection cet homme tourmenté, brut de décoffrage, et peu instruit, d'un milieu modeste, mais aussi sensible, tendre et à l'écoute de son frère, que ce soit par un langage du cru avare de mots ou par des attitudes évocatrices de son visage très expressif.

Aidé par son frère qui lui doit beaucoup, Jérémy se prend à rêver d'un autre destin musical, d'autant qu'avec sa faible éducation et son goût de la musique, il a l'oreille absolue !

La majorité du film se e ainsi dans le Nord de la (à l'instar de l'Amour Ouf), certaines scènes y sont d'une vérité simple, sincère et touchante. Thibaut n'hésite pas à aller avec simplicité au des populations locales et de leurs difficultés à vivre et se projeter dans un avenir incertain. Le réalisateur incorpore dans la mise en scène de manière judicieuse une usine en grève (sans excessive gravité ni message social affichés) dont les ouvriers ne manqueront pas d'être soutenus de manière originale par la musique des deux frères.

Le scénario ne manque pas de rebondissements du début à la fin, pour certains inattendus, dont une fin magistrale, œcuménique, et particulièrement émouvante autour de LA musique universelle la plus écoutée au monde.

Mais ce film est habilement Choral, et ne serait rien sans une multitude de seconds rôles en grande partie non professionnels, au sein des deux familles si différentes (avec une juste Ludmila Mikaël), des membres haut en couleurs de la Fanfare (offrant un vrai spectacle en soi, chaotique certes mais très vivant, avec une attachante Sarah Suco et un acteur étonnant avec son p'tit truc en plus), et les musiciens classiques du grand orchestre de Thibaut, sans oublier les ouvriers, simples et vrais.

Alliant légèreté, incongruité aussi, mais avec beaucoup de sensibilité et une certaine profondeur dans les sentiments et les drames, Emmanuel Courcol réussit une très belle comédie populaire, on sait que c'est une genre bien difficile et souvent mal critiqué dans le cinéma français.

On n'est pas vraiment dans le feelgood moovie, mais le message global est très positif et on en sort pétri d'espérance en l'humanité, malgré les difficultés que la vie nous réserve.

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le 20 nov. 2024

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Azur-Uno

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