En revoyant ce film après très longtemps, je me dis que décidément j'aime ces polars des années 70 au parfum très spécifique, car John Flynn rend un hommage particulièrement évident au polar noir de la grande époque, il a eu en effet l'intelligence de respecter les codes et la mythologie propres au film noir, tel que l'illustrèrent autrefois John Huston ou Fritz Lang. Il utilise d'ailleurs des acteurs habitués du genre que les cinéphiles iratifs des années 40 ne manqueront pas d'apprécier et que l'on vit chez Aldrich, Siegel ou Kubrick, comme Timothy Carey, Marie Windsor, Elisha Cook, Jane Greer ou Robert Ryan (dont ce sera le dernier film, il décède peu après la fin de tournage).
Mais Flynn ne s'est pas contenté de jouer sur ces réminiscences du é, sa mise en scène possède une authentique originalité, décrivant avec une certaine force tranquille la lutte d'un petit truand hargneux et obstiné qui s'accroche à une indépendance et des valeurs face au crime industrialisé. Cet anti-héros, Earl Macklin, rendu très attachant par Robert Duvall, se retrouve presque seul dans son combat face à une puissante entité criminelle, il ne peut compter que sur un ami, Cody incarné par l'excellent Joe Don Baker. Après 10 ans de carrière comme second rôle, Duvall qui venait d'obtenir une consécration dans le rôle de l'avocat des Corleone Tom Hagen grâce au Parrain, trouvait là un de ses premiers rôles de vedette, il mène le jeu de façon très réaliste et violente alors qu'il n'a pourtant pas un physique impressionnant à la Charles Bronson.
Ce qui est intéressant aussi dans ce film, c'est que le réalisateur montre comment un petit grain de sable symbolisé par ce petit truand revanchard, peut foutre le bordel au sein de cette société criminelle, en la désorganisant et en démontant ses rouages par ses coups de main rapides et ses braquages toniques. Dès le début, avec l'assassinat du frère de Macklin par 2 tueurs à gages, le ton est donné, le rythme ne faiblira pas et l'intrigue sera jonchée de morts violentes, ne laissant que peu de répit au spectateur.
L'idée d'organisation toute puissante montrait donc ses limites et sa déstabilisation due à quelques self-made men très déterminés, d'autres films illustreront ce thème en ce début d'années 70, notamment Tuez Charley Varrick de Don Siegel en 1972, ou Flics et voyous de Aram Avakian aussi en 1972. On verra également les 2 escrocs malins de l'Arnaque en 1973, ridiculiser un gros caïd de la pègre en lui raflant tout son pognon.
Je constate hélas que les femmes ici ont un rôle de potiche : rappeler de vieilles gloires du film noir ancien, c'est bien, mais Jane Greer et Marie Windsor n'ont que de petites scènes ; ce n'est pas mieux avec les actrices des sixties puisque la superbe Sheree North n'a que 2 lignes de dialogue, et la pulpeuse Joanna Cassidy se contente du rôle de la poule à gangster très ive. Quant à Karen Black, je trouve son rôle mal distribué et mal intégré au scénario...
Malgré ces défauts, c'est un polar très efficace et bien mené par un réalisateur qui dans les années 80 connaîtra encore des réussites avec Pacte avec un tueur et Haute sécurité.