Comédie satirique de l'illusion et des rêves, Divorce à l'italienne est un film aux caractéristiques bien particulières. Forme d'avance de son temps, on nous conte l'histoire de Ferdinando Cefalu (aka Féfé) s'éprenant d'une belle demoiselle bien plus jeune que lui et devant pour profiter de son amour se débarrasser de sa femme dans un contexte politique italien forçant l'interdiction du divorce dans un but "moralisateur".
Il est vrai qu'en ce début des années 1960 le film marque par un montage qui se modernise et appelle le spectateur à s'émerveiller dans un humour de mise en scène sur la forme des dialogues. Entremêlement d'échanges rythmés entre la voix-off de Mastroianni, qui ne représente rien d'autre que sa pensée, et l'action qu'il occupe. L'allure grossière des personnages met sur le devant de la scène un anti-protagoniste aux allures de sex-symbol raté et sa femme ingénue à la coupe de cheveux si particulière.
L'essence du film est donc d'occuper les fantasmes de Ferdinando, enchaînement de saynètes dans la première partie du film, alternant rêves de meurtres à la limite de l'esthétique baroque et scène bien réelles mais presque fantasmée de rencontres entre le personnage principal et la douce qui occupe ses pensées. On rentre ainsi dans la psychologie de Féfé, prisonnier de son mariage comme d'un théâtre de Vaudeville, enchaînant la mise en place de plans dans le but de pousser sa femme à le tromper et ainsi avoir le droit (puisqu'il s'agit ici de montrer l'absurdité de l'idéologie matrimoniale de l'époque) de la tuer. Le récit collant au protagoniste ne nous soumet ainsi que son point de vue, accentué par la vision voyeuriste qu'il porte lui même sur la situation présente.
Si cette théâtralisation fonctionne avec bon goût c'est à travers notre propre illusion de course poursuite du personnage vers ses rêves, accentuée par les mimiques déconvenues de son visage lorsque celui-ci ne sait finalement pas quoi penser de telle situation. Le motif des lettres comme message de la dénonciation est un outil bien connu de certaines oeuvres littéraires, fonctionnant ici à merveille. La présence des miroirs chez Ferdinando vient souvent évoquer son double jeu comme double du lui même qui accepterait finalement après 12 ans de mariage de succomber aux charmes d'une autre. Et ainsi le procédé théâtralisé vient toujours nous rappeler qu'il s'agit bien d'une comédie, mettant l'accent sur l'absurdité des événements plus que sur le côté dramatique, on ret avec plaisir la quête fêlée du personnage principal jusqu'à son sarcastique dénouement.
Oeuvre satirique jusqu'au bout, Pietro Germi n'oublie pas de traiter de thématiques modernes, démontrant dans ce contexte italien des années 1960 la place de l'église dans les mœurs ainsi que l'invasion de la population dans les histoires locales, voire privées, des habitants. On notera donc l'ingénieuse utilisation de la sortie de La Dolce Vita de Fellini comme événement marquant une sorte de révolution des fameuses mœurs. Finissant sur le tableau de deux pieds qui se touchent, presque comme le détournement cynique d'une oeuvre fort connue de Michelangelo et rappel incessant qu'il n'existe dans l'homme contemporain qu'un ensemble de fantasmes dont le mariage est le tombeau scellé.