"Maintenant, j'ai eu le moment de ma vie"

(Critique V1)

La première fois que j’ai entendu The Time of My Life de Bill Medley et Jennifer Warner, c’était à une émission de talents françaises. Un beau couple de vieux dansait là-dessus et ça symbolisait la survivance de leur amour à travers les décennies. C’était beau. Mais j’étais loin de douter que la scène tirée de Dirty Dancing était encore plus symbolique que la simple romance ou ion. Maintenant que j’ai vu le film, je sais. Cela ne l’empêche pas toutefois d’avoir quelques lieux communs gonflants.

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Ah oui, la DanseXe : Fame of the Flashloose (Mauvais points) :


Faut quand même avouer que Dirty Dancing (littéralement « Danse sale ») commence assez mal car ressemble au début au gros cliché du film de danse à résumer en « nunuche se fait dévergonder par l’Apollon danseur en chaleur et devient bombasse sexy » comme dans Le Tango de la Muerte dans Les Simpsons. Frédérique « Bébé » Houseman faisant office de nunuche (surtout avec un surnom pareil) et Johnny Castle de blouson noir en chaleur pas très sympathique au début.


Sans compter qu’on a aussi l’impression d’avoir vu et revu le coup de l’opposition entre danse "propre" et danse "sale" voire interdite car trop sexuelle ou décadente dans Footloose et même un peu Flashdance. Littéralement, quand Bébé va dans le salon de danse des employés pauvres et leurs copines, ça va à fond sur la métaphore danse = sexe comme si Bébé était une pucelle entrant dans un sex club.


En plus, les trois films se terminent par une danse finale assez consensuelle. D’ailleurs, celle de Dirty Dancing paraît improbable et forcée vu comment les méchants riches se retirent facilement (on notera aussi que ça ne règle pas pour autant les problèmes financiers de Johnny, viré pour une broutille). Quant à Johnny, c’est pas vraiment un enfant de cœur non plus vu qu’il accepte au début de faire des cours de danses tendancieuses avec des femmes excitées contre de l’argent et les traite comme des coups d’un soir.


Mais on peut surtout blâmer la VF qui a édulcoré les dialogues faisant références à la lutte des classes, sans grand succès, vu que le film présente les gosses de riches et leur patron comme traitant les pauvres comme de la merde en VO. C’est ainsi qu’on comprend que Dirty Dancing est en fait un énième film d’émancipation sociale et sexuelle par la danse mais en plus intelligent.

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L’émancipation par la danse, épisode 4 (Bons points) :

Mais heureusement, là où le film devient immédiatement plus sympathique, c’est quand il aborde d’abord un sujet que Flashdance et Footloose n’avait pas trop osé aborder (ces derniers films étant assez frileux quand on y pense) : l’avortement en dehors des normes médicales (et en 1963 en plus, à une époque où c’était encore tabou, bien que le film soit sorti en 1987).

C’est d’ailleurs grâce à Bébé que Penny guérit d’une opération ratée, d’abord en voulant lui donner de l’argent pour ça, et ensuite en faisant appel à son père médecin pour l’aider.


C’est une surprise donnée par ce film alors qu’on pensait que le côté altruiste de Bébé n’était qu’une façade ou serait tourné en ridicule à une époque dominée par la pensée reaganienne au cinéma étasunien. é les sous-entendus sexuels un peu facile qui semblent à priori forcés et maladroits, le film s’avère plus intelligent qu’il n’en paraît.


Et au final, même les danses "osées" sont assez raccord avec la période de libération sexuelle et sociale que sont les années 60 (même si c’était plutôt à la fin). Et ça semblera de nos jours assez hallucinant que des gens soient offensés par ce type de mouvements rythmiques. 1963 n’est pas loin de l’époque où des conservateurs intolérants trouvaient le déhanché de Elvis Presley trop racoleur (le père de Bébé trouve même qu’elle fait « pute » alors qu’elle est à peine maquillée).


Le film est plus proche de Fame mais avec un discours ancré à gauche et lutte des classes, surtout quand on voit qu’un Robbie de bonne famille tend à Bébé La Source vive de Ayn Rand (le soi-disant "plaidoyer pour l’individualisme radical") après avoir refusé de prendre soin de Penny (et ce, après l’avoir foutu cette dernière en cloque et avoir abusé de sa sœur). À un point où Bébé est tellement écœurée qu'elle interdit à Robbie de s'approcher d'elle et de sa sœur.

Sa grande sœur Lisa sera un temps avec Robbie et adhère à son anticommunisme, avant de comprendre que le mec ne voit les femmes que comme des choses à sa disposition. Même Johnny a plus de considération pour la gente féminine alors qu'il multipliait les coups d'un soir lui-aussi.


D’ailleurs, cette lutte des classes transparaît assez clairement dans la façon dont le patron Mr. Kellerman traite ses employés selon leur statut social : son fils Neil et Robbie sont hissés sur un piédestal parce qu’ils sont « bien nés » et bien blancs alors qu’ils ont des goûts de chiotte et traitent les autres comme de la merde.

Tandis que les autres comme Johnny et les autres sont traités comme de la "racaille" car ils s’habillent en blousons noirs, en chemises cubaines ou robes plus courtes et sont corvéables à merci

Johnny est même accusé de vol parce qu’il a une « sale gueule » alors que c’étaient un couple de petits vieux bien présentables les coupables.


Et même si Johnny n’est pas toujours une figure positive ou se montre dominateur, Bébé arrive à lui tenir tête par moments, se permettant même une critique ironique ou sarcastique quand il dit qu’il est "victime" de toutes ces femmes qui lui sautent dessus.


Même la dernière danse avec Time of My Life revêt un autre sens que la simple déclaration d’amour. Alors que la lumière rouge qui accompagnait Johnny et sa bande pendant leurs bals représentait alors la liberté sexuelle, elle représente alors l’affranchissement social. Donc bel et bien le « moment de leur vie ».

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Conclusion : This is the Time of your Lives :

Bref, alors que Footloose peut paraître assez conservateur avec le recul et en comparaison (on peut résumer ça en utiliser la Bible contre la Bible pour justifier le droit de danser, la consommation contre la pseudo-vertu), et Flashdance confus ou ambigu (savoir rester soi-même et digne en ne cédant pas au pole-dancing tout en faisant des danses à connotations sexuelles) par rapport à Dirty Dancing.


Et ce dernier, bien que pétri de quelques clichés gonflants qu'on reverra dans d'autres films ultérieurs de danse pseudo-rebelles, se rapproche au final plus de Fame en parlant de sujets réalistes de société. La danse au fond est même d'ailleurs plus un prétexte ou un moyen d'expression pour les classes populaires qu'une fin en soi (mis à part peut-être lors du final qui peut paraître surréaliste).


8
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le 8 mars 2025

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Darevenin

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