Ce remake actualisé de la Griffe du é, petit joyau du film noir des années 40, réalisé par Jacques Tourneur en 1947, se présente en forme de relecture en mode néo-noir, pimentée par une idylle torride. Connu sous 2 titres (l'autre étant Pendez-moi haut et court), le film de Tourneur réunissait un casting de rêve avec 2 hommes (Robert Mitchum et Kirk Douglas) amoureux de la même femme (Jane Greer) ; pour assurer une comparaison positive, il fallait pour Taylor Hackford, trouver un trio aussi diabolique : Jeff Bridges reprend le rôle de Mitchum, en mode beau gosse athlétique bien sapé et roulant en Porsche, James Woods reprend le rôle de Douglas, en sale combineur brutal et à moitié cinglé, tandis qu'au milieu, la superbe Rachel Ward reprend le rôle de Greer, en gosse de riche exilée au Mexique. En un suprême clin d'oeil, Hackford confie à Jane Greer le rôle d'une dame vénérable de 60 ans qui est la mère de la fugueuse mais aussi une femme très riche qui possède une équipe de football et qui se lance dans un projet immobilier coûteux et pas si honnête qu'il en a l'air.
Pour ne pas donner le sentiment d'un pâle remake, Hackford prend le contre-pied de son modèle ; certes, le point de départ est le même (un mec douteux charge un ancien pote mis sur la touche de retrouver sa copine, et une fois retrouvée, il en tombe amoureux). Mais Tourneur filmait un polar noir nocturne, Hackford tourne entièrement de jour, Tourneur allait vite et son décor était urbain, Hackford prend son temps et situe son intrigue dans un ton très réaliste et un décor paradisiaque, au coeur des ruines mayas de Chichen Itza. Il sacrifie aussi à l'érotisme, même si c'est relativement discret (une scène soft dans un temple maya).
En gros, Hackford réalise un combo de polar néo-noir, de love story, d'aventure exotique et de drame, mais ce qui est intéressant aussi, c'est qu'il en profite pour dénoncer les magouilles dans le milieu du sport, où sport, politique et immobilier sont étroitement mêlés en rouages corrompus, le tout étant dirigé par Richard Widmark, toujours aussi fringant malgré son âge, et accessoirement compagnon de Jane Greer ; son rôle est celui d'un entrepreneur pourri jusqu'à la moelle qui tient tout le monde par les burnes. Cerise sur le gâteau : on y voit chanter Kid Creole and the Coconuts dans une boite, et surtout, le film s'achève sur le hit de Phil Collins "Against all odds (Take a look at me now") qui a servi de slow imparable à l'époque.
Voila donc un honnête remake, assez peu connu, bien interprété par un solide casting : Bridges en début de carrière qui a une petite longueur d'avance sur Woods pas encore en vedette, qui venait de se faire vraiment connaître dans Vidéodrome et qui avait tourné en co-star la même année, l'ultime film de Sergio Leone Il était une fois en Amérique, Rachel Ward révélée en 1983 par le feuilleton à succès les Oiseaux se cachent pour mourir, tous trois formant un beau trio dans ce film à redécouvrir.