Rêve party
La phrase prononcée par Gilles Deleuze retranscrite à l'écran "Ne soyez jamais pris dans le rêve de l’autre..." est l'antithèse du nouveau long-métrage (dé)borderline de l'inventif Bertrand Bonello...
Par
le 15 juin 2022
9 j'aime
2020, vu par une jeune fille clouée au lit, pétrie de doutes et d’amertume à l’annonce du grand confinement. Tentant par tous les moyens de recréer un quotidien un tant soit peu ludique, elle se raconte des histoires, utilisant son imagination et les subterfuges de son siècle.
Lettre à Anna. Qui donc est Anna ?
Tic… Tic… Quelqu’un vient de dégoupiller la grenade ; le temps est limité. Le film s’ouvre sur une lettre à la jeunesse d’aujourd’hui, sur fond d’images d’archives un peu floues. Nous sommes en zone floue, en compagnie d’une adolescente (Louise Labeque) enfermée dans sa chambre comme en un bocal, aux bords lissés par de futiles occupations. On aurait pu en rester là, et COMA serait devenu la cassette souvenir du Covid, tous les souvenirs sont bons à prendre pour faire un film, même les mauvais.
Mais Bonello a décidé de jouer. Le moment où l’on commence à somnoler est aussi celui où le vrai film commence, dans un dialogue surréaliste de poupées Barbie imaginé par la jeune fille dévorée par une apathie sans nom. Frissonnant duo des voix de Gaspard Ulliel et Laetitia Casta. Des poupées dans un soap sans saveur, insipide, qu’on nous force à regarder. Et la magie opère. Par un savant mélange de disciplines, stop motion, illustration, réseaux sociaux, vidéo clip, on embarque à bord de notre propre siècle comme dans un rêve. Il est de ceux, inconfortables, qui vous minent le moral au réveil et fatiguent votre esprit. Bonello vient vous embuer avec une mise en scène changeante et des allers retours au sein de microcosmes cyniques et volcaniques ! Et nous restons. Car le spectacle est grandiose. Car les quelques longueurs sont bien vite atténuées par la richesse de l’idée développée tout au long de la non-histoire du film.
Hypnotisés par cette Youtubeuse lifestyle (Julia Faure), sorcière du Net, vendeuse de bien-être et du petit objet rétro éclairé le plus toxique et addictif du moment, objet machiavélique qui vous apprend à ne plus faire de choix, nous devenons, comme Anna, addict à ses nouvelles vidéos, désireux de tout connaître. On scroll, on streame, on se traîne, ‘y a plus grand chose à faire par ici. Soudain, tu accèdes à la "Free Zone", sans mot de e, sans complexes, dans un lieu où les âmes errent, libres et par conséquent, totalement perdues, les pauvres : tu cesses d’exister, et tu commences à être. Et ça fait peur, les gens hurlent autour. Le décor est minimaliste, c’est une forêt nocturne qui symbolise ce sas de liberté, et une chanson, interprétée par l’artiste contemporaine Bonnie Banane.
Bonello renoue ici avec le sombre et le dérangeant (TIRESIA, 2003) mais sans le côté fantastique (ZOMBI CHILD, 2019), on s’intéresse aux tueurs, aux serial killers, mais ça fait pas peur, les serial killers, ça donne pas de cauchemars ! C’est pas ça qui donne des cauchemars, dans COMA. L’occultisme est un prétexte à la critique. Société sans , souriez vous êtes filmés, notés, jugés, côtés dans nos fichiers. Il est vrai que “les rêves est l’une des régions les moins explorées de l’art” ainsi que l'affirmait le peintre du Bizarre, Johann Füssli. Pourtant, la réalité de notre monde et sa somnolence ambiante sont propices à la création, et Bonello réussit plutôt habilement, dans le registre de l'absurde, ce tour de e e jubilatoire au rythme d’une bande originale entêtante, en partie composée par le réalisateur lui-même. Les mots d’esprit disséminés, quant à eux composés par le philosophe Gilles Deleuze dans un français parfait, rehaussent la noirceur et le pessimisme vers lequel on penche à plusieurs reprises, laissant place à l’espoir, à l’action ou plutôt, à la création.
Créée
le 7 oct. 2022
Critique lue 180 fois
3 j'aime
La phrase prononcée par Gilles Deleuze retranscrite à l'écran "Ne soyez jamais pris dans le rêve de l’autre..." est l'antithèse du nouveau long-métrage (dé)borderline de l'inventif Bertrand Bonello...
Par
le 15 juin 2022
9 j'aime
Avec Coma, Bonello conclut sa trilogie de la jeunesse, qui après avoir suivi les élans de révolte (Nocturama) et l’ouverture sur un autre monde (Zombi Child) s’achève dans le confinement : cet opus,...
Par
le 1 déc. 2022
8 j'aime
Suite à son introspection au sein de la jeunesse du XXIe siècle entamée en 2016 avec Nocturama qui se verra suivi par Zombi Child en 2019, Bertrand Bonello achève ce qui s'avère finalement être une...
Par
le 8 mai 2025
5 j'aime
7
Erica Schmidt, metteuse en scène de la comédie musicale Cyrano, ret à présent le réalisateur Joe Wright pour écrire un scénario tout à fait atypique autour de la pièce de théâtre française la...
Par
le 11 mars 2022
13 j'aime
2
Disait Victor Hugo. L'eau, comme un roulement fort et silencieux où se cachent ensevelies ions. L'élément de l'eau reste omniprésent, dans un paysage sauvage et en rappel du symbole de la...
Par
le 5 sept. 2019
10 j'aime
6
Old Dolio n'a pas de parents, mais fait partie d'un clan. De même qu'elle n'est pas vraiment une fille, en dépit de ses longs cheveux blonds. Sa voix, ses vêtements flottants, tout est mis en œuvre...
Par
le 2 oct. 2020
8 j'aime