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6.1
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Film de Kiyoshi Kurosawa (2024)

Comment ebay peut mener à la potence

En 2020, vous faisiez peut-être partie des aigris qui, tout jouasses à l’idée de se procurer la PS5, se sont rapidement trouvés devant une pénurie, la faute à des profiteurs qui avaient fait main basse sur des stocks afin de revendre les unités à des prix déraisonnables.


Si c’est le cas, vous vous retrouverez forcément en terrain connu en matant Cloud. Ici, le profiteur s’appelle Ryôsuke. Au début simple employé dans une entreprise de reage à sec, il ne tarde pas à lourder son travail pour se consacrer à ce pour quoi il dispose d’un instinct : l’achat et la revente de biens en ligne. Il est tellement doué qu’il n’hésite pas à déménager pour occuper une grande maison dans la campagne, maison qui lui servira aussi pour entreposer ses stocks de marchandises. Problème : assez vite il fait de plus en plus de mécontents (vendre très cher une simple imitation d’un sac de marque, forcément, c’est un peu risqué), mécontents qui, grâce aux données du « cloud », parviennent à identifier le vendeur et même le lieu où il habite. Dès lors, le mot d’ordre pour les plus exaspérés est simple : faire une visite surprise chez lui façon Orange Mécanique pour le buter.


Le film est scindé en deux parties. Dans la première, on suit la montée en puissance du commerce de Ryôsuke. Comme toujours, on y retrouve des symboles qui rappellent certaines thématiques chères à Kurosawa. Ainsi celle de la maladie, du virus qui se propage, ici représenté par l’écran du site de la plateforme marchande qui est peu à peu contaminée par des cases rouges indiquant qu’un bien a trouvé preneur. C’est pour Ryôsuke une sorte de spectacle, il s’installe devant son écran et attend patiemment pour contempler le rouge qui se répand, sans se douter que cette contamination renvoie en même temps à celle de l’esprit de ses acheteurs qui vont bientôt lever une cabale contre lui.




Mais ces derniers sont-ils tous exaspérés parce que mécontents de la qualité de la marchandise ? On s’apercevra dans la deuxième partie que ce n’est pas évident. Tout se e comme si, au bout du compte, Ryôsuke était un bouc émissaire cristallisant tout le ressentiment de la poignée d’individus qui débarquent pour le buter. On est aussi, bien sûr, dans la confrontation entre virtuel et réel. Dans le cloud, ce n’est pas vraiment la réalité, allez, on peut bien y aller de sa petite menace de mort ! Sauf que là, il y a bien age à l’acte, avec d’abord une chasse à l’homme, ensuite un escape game pour Ryosuke qui essaiera de sortir des griffes de ses agresseurs. Ce sera le programme de la deuxième partie, partie que j’ai trouvée un peu longue mais cohérente dans son propos. Effleuré ici et là par quelques scènes, le thème du jeu vidéo revient finalement en force durant cette heure, les scènes de poursuite ou de gunfight pouvant rappeler des jeux vidéo de survie ou de tir à la première personne. C’est que pour ces tarés, verser du virtuel guerrier dans leur réel est peut-être la meilleure solution pour faire er la pilule de leur acte. En tout cas, Ryôsuke devra très rapidement trouver une solution dans ce « monde ouvert punitif » s’il veut survivre.


L’histoire ne serait pas complète s’il n’y avait pas une femme, une forcément habillée de couleurs chaudes comme les aime Kurosawa. C’est un personnage à la fois fantômatique et charnel qui en dit long sur ses motivations.


Sinon, pour les amateurs de l’acteur, Yutaka Matsushige refait une apparition dans la filmo de Kurosawa. Juste le temps d’une brève scène par contre, mais de quoi s’apercevoir que « Goro » a bien blanchi.


S’il ne m’a pas fait une aussi forte impression que Chime, Cloud confirme que Kurosawa est toujours inspiré quand il s’agit de mettre en place ses thématiques avec des variations. Le film a d’ailleurs été sélectionné pour représenter le Japon aux prochains oscars. Peut-être un peu excessif, même si le choix n’a rien non plus d’aberrant.


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7
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le 8 janv. 2025

Critique lue 169 fois

Fabrice-del-Dongo

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