S'il y a bien quelque chose que j'apprécie chez Tavernier, c'est l'humanité de son cinéma. Que ça soit ici avec des soldats, dans Ça commence aujourd'hui avec des profs ou avec des flics dans L.627 (pour ne citer que ses films avec Torreton) il arrive à donner vie à ses personnages et à les faire exister. Tout ça paraît organique et je pense que c'est lié à son écriture.
Dans Capitaine Conan la plupart des scènes ne commencent pas au début de l'action ou de la conversation (et pareil elles ne finissent pas à la conclusion de celles-ci), ce qui fait qu'on a toujours l'impression d'être au milieu de quelque chose... Immédiatement le spectateur comprend que ces personnages ont une histoire en dehors du cadre et durant les ellipses puisqu'on est invité à imaginer ce qui s'est é juste avant et ce qui se e juste après.
Et en même temps Tavernier se permet de digresser un peu durant ses séquences, il y a toujours un regard pour un figurant, une interaction avec un personnage secondaire, ce qui permet de dire que Conan et Norbert les deux héros du film ne sont pas isolés, ils font partie d'un tout... Ils ont une vie et les gens autour d'eux aussi.
Disons qu'il y a plein de choses qui ne sont absolument pas essentielles à l'intrigue qui sont là et qui renforcent la crédibilité de l'ensemble. Je pense à ce soldat tétanisé lors d'un affrontement qui reste planté là, sous les balles ennemies et qu'on prend la peine de regarder, de filmer avant de continuer.
Et c'est ce qui fait la force du film, ici on a certes des procès militaires, des scènes de bataille, mais elles sont toujours filmées à hauteur d'homme et Tavernier n'en fait jamais trop. Ce qui compte se sont les gens pris là-dedans. Je veux dire qu'il aurait pu être tentant de er trente minutes à filmer un procès pour faire un grand film politique dénonçant je ne sais quoi, ou un grand film d'action avec des séquences de guerre. Et si certes on a ce genre de séquences, elles ne sont jamais une finalité, elles ne magnifient rien, pas plus la guerre qu'un idéal de justice... Disons que ça semble profondément ancré dans le réel.
Tout ça donne une certaine empathie pour les personnages, tangibles, qu'on voit dans un beau bordel où rien n'est si simple.
Vraiment un beau film.