Le cinéma de Bertrand Tavernier est un cinéma que je découvre avec de plus en plus de plaisir. Quelque part, c’est un cinéma qui déborde d’ambition, comme on en voit peu souvent. Capitaine Conan s’inscrit parfaitement dans ce genre. Il faut dire que les films sur la 1ère guerre mondiale ne sont pas si nombreux que ça, et finalement l’image cinématographique moderne qui nous aura le plus marqué de ce conflit, c’est celle des combats d’Un Long Dimanche de Fiançailles. Mais il s’avère que le père Tavernier a son mot à dire dans l’histoire...
Non content de traiter de la Grande Guerre, Tavernier la fait évoluer dans un environnement que finalement nous connaissons moins : les Balkans. Dans cette terre fabuleusement bien filmée par Tavernier, les poilus errent, tantôt en quête de leurs ennemis, les « Bulg’ » et les Boches, tantôt en quête d’une occupation lorsque la guerre est finie. Occupation qui la plupart du temps est de piller. Mais la réflexion de Tavernier sur la condition du soldat n’est pas sans recul et brille pas une rare maitrise de l’écriture. Le traitement des personnages est nécessairement primordial, et toutes les nuances se retrouvent dans Capitaine Conan, du bourru personnage principal interprété par Torreton au plus sophistiqué Claude Rich, summum de l’officier Français bercé dans le « je-m’en-foutisme ».
Mais Tavernier aussi, en tant que réalisateur, c’est quelqu’un qui se nuance. Tavernier aime les plans fixes, mais il n’a pas pour autant peur de tenter de vrais morceaux de virtuosité avec sa caméra. Et c’est ça que j’aime chez lui. Il n’a pas peur. La marque de fabrique de son cinéma demeurera probablement une quantité assez hallucinante de plan-séquences ou de longs-plans dont les fondations se trouvent dans une confiance inébranlable en ses acteurs. Quelque part, c’est un luxe qu’il se paye. Mais qu’il paye avec son talent.
J’avais lu une fois une critique à propos d’un de ses derniers films, Dans la Brume Electrique, qui taxait Tavernier d’être un réalisateur académique, exception faite pour Coup de Torchon. Il faudrait que l’on me l’explique. Fin dans l’écriture, virtuose dans sa réalisation, le cinéma de Tavernier n’a rien à envier aux autres. Car en plus d’être ionnant, il est celui d’un ionné.