: Bluray
Amer Béton a une histoire au demeurant simple mais aux dimensions métaphoriques pas toujours claires. Celle de la survie en milieu hostile par la complémentarité, les liens affectifs qui permettent de respirer et d’entrevoir une lumière dans les ténèbres (chez nos deux gamins comme chez les Yakuzas). Une complémentarité que l’on retrouve dans l’essence même des personnages : Noir et Blanc, Yin et Yang, Innocence et Violence, Eros (platonique) et Thanatos. Une complémentarité vantée par les techniques d’animation qui s’allient (l’analogue et le digital), et par les designs (l’ancien et le nouveau).
Et si les délires hallucinés de Michael Arias et du Studio 4°C (Mindgame, Memories…) sont nombreux, ils n’ont pas besoin d’être entièrement captés pour être appréciés. Car cette adaptation du manga de Taiyō Matsumoto par un américain expatrié fonctionne avant tout grâce à ses visuels uniques, saupoudrés de la musique de Plaid qui accentue chaque action dans une rythmique tantôt effrénée, tantôt apaisée. Le réalisateur ne s’est posé aucune limite pour porter à l’écran ses visions.
Trésorville, île isolée par essence, en forme d'œil, en déliquescence face aux désirs de quelques promoteurs représentatif d’une croissance indomptée, est avant tout l’occasion de déployer un imaginaire débridé aux références multiples. Un melting pot d’architectures, d’époques et de religions où Ganesh côtoie Sainte-Sophie tandis que Noir, avec son corbeau, son oeil balafré et ses visions, se pose en Odin moderne. On évoque Cassandre et les troyens, on courbe l’horizon au même titre que l’espace-temps, tout cela pour servir un questionnement : “Que voyez-vous là-bas?” (thématique donnée telle quelle par Arias en interview). Là-bas, est-ce ce Japon dans lequel s’est réfugié le cinéaste après avoir fui les Etats-Unis suite au plantage de sa boîte d’infographie? Est-ce le lointain océan rêvé par nos deux protagonistes? Est-ce Trésorville, que certains veulent voir changer tandis que d’autres veulent qu’elle reste immobile?
Là-bas, c’est notre propension à nous projeter, à entrevoir les possibles et à y mettre le cap, bon gré mal gré. C’est tout sauf ici, dans un présent qui déplaît, dans un endroit qui ne sied pas ou plus. C’est ailleurs. Et ce qu’on y voit, c’est un être cher qui nous y accompagne.