Voici un film revu avec plaisir, il ne e pratiquement jamais à la télé (la dernière fois remonterait à 2011), et même le DVD n'est pas courant dans les promos Fnac. C'est le genre de polar que j'aime particulièrement, avec cette ambiance sixties très spécifique.
Il s'agit d'un remake de les Tueurs de Robert Siodmak en 1946 qui s'inspirait d'une nouvelle d'Ernest Hemingway, "the Killers" figurant dans le recueil "50 000 dollars". Les 2 versions n'ont que peu de points communs parce que Don Siegel se détourne à la fois de la nouvelle et du film de Siodmak, il en détourne tous les stéréotypes et livre un polar à la froideur étonnante, sec et épuré, typique de son époque de réalisation : ici, ce sont les 2 tueurs qui sont mis en avant, alors que chez Siodmak, ils n'avaient qu'un rôle assez secondaire, ce sont eux qui enquêtent, il n'y a pas de flics, et l'action a lieu de jour au contraire de son modèle tourné dans une atmosphère nocturne, accentuée par le noir et blanc, alors que cette version affiche un Technicolor pimpant.
Les Tueurs est un vrai film néo-noir propre aux années 60 qui plonge dans l'univers de la pègre, on sent l'arrivée des films de mafia qui s'étendra ensuite dans la décennie suivante ; l'Organisation est perçue comme une sorte de trust où les candidats postulent au poste de tueur comme ils poseraient leur candidature dans l'istration. Les tueurs ne sont plus des desperados solitaires, ils marchent par paires et sont des "employés" qui remplissent un contrat. A ce titre, Siegel excelle dans le portrait des 2 tueurs campés de façon remarquable par Lee Marvin et Clu Gulager ; il les oppose en caractère, l'un affichant le charisme imperturbable du vieux lion fatigué (Marvin), l'autre étant le jeune chien fou à la silhouette fluide (Gulager), tous deux cachant des visages froids derrière des lunettes noires. Le personnage de Sheila incarné par Angie Dickinson appartient à la vieille tradition du film noir, sauf qu'il n'est plus la femme fatale des années 40, il est adapté aux années 60.
Parmi le casting, on trouve aussi John Cassavetes, Claude Akins, Norman Fell et Ronald Reagan dont c'était le dernier film avant qu'il ne se lance dans sa carrière politique ; il campe un gangster brutal qui assène une lourde gifle à Angie. Siegel réussit à donner à tous ces personnages désincarnés une certaine densité psychologique et signe un polar efficace, tendu et violent qui fut tourné à la base pour la télévision, mais jugé trop violent, Universal décida de le distribuer en salles.