Ainsi squattent-ils

Arnaud Le Gouëfflec et Nicolas Moog ont des parcours éclectiques: à titre d'exemples, le premier a signé une bio de Lino Ventura en BD, avec Stéphane Oiry au dessin ("Lino Ventura et l’œil de verre"), le second dessine les strips rigolos de Willy Woob dans le beau journal de "Spirou".

Musicologues érudits, tous deux avaient déjà commis "Underground", version augmentée de "Face B", narrant en des chapitres de quelques pages le parcours de différents électrons libres de la musique: Captain Beefheart, Brigitte Fontaine, The Cramps, Eugene Chadbourne, Moondog, le groupe Crass, Sky Saxon, Boris Vian, Alex Chilton, etc.

Avec "Vivre libre ou mourir", ils nous livrent une dense chronique en noir et blanc de la scène alternative des années 80, ces punks de la seconde génération pour qui le "Do it yourself" était un credo, en l'absence de moyens et de structures adéquates. De nombreux témoins sont au menu: Loran, guitariste de Bérurier Noir, Marsu, leur manageur, Didier Wampas, Olivier des Shériff, Spi (OTH), Théo Hakola (Orchestre Rouge, ion Fodder),... Le parcours de Bérurier Noir sert de fil conducteur: celui de Loran, qui intervient souvent, et de François, dont on apprend qu'il est devenu chercheur au CNRS et spécialiste du Vietnam contemporain ! Mais aussi celui de plusieurs de leurs comparses (les Titis, Laul,...), les Bérus étant devenus toute une tribu. Les auteurs restituent aussi tout un contexte historique bien particulier: victoire de la gauche en 1981, culture du squat, développement du mouvement skin, apparition de labels indépendants,...

Dans ces pages défilent entre autres les Thugs, Ludwig Von 88, Camera Silens, Parabellum, François Hadji-Lazaro, elles mettent aussi en lumière les obscurs Lucrate Milk. Mais toute anthologie implique des choix: pour certains lecteurs, il y a des parcours qui paraîtront n'être évoqués que trop brièvement, ou pas du tout. "Ils ont oublié Untel, moi, j'aurais pas fait comme ça...". Oui, peut-être, mais eux, ils l'ont faite, cette chronique d'une époque bruyante et créative, et "Vivre libre ou mourir" est une histoire captivante qui donne envie de réécouter les disques. Dont une sélection détaillée nous est donnée en fin d'album, avec pochettes reproduites par Nicolas Moog.