Remak'up
Mais quel boulet... La tête en l'air, je me suis retrouvé sur mon ordi avec ce remake d'Adrian Lyne du Lolita de Nabokov, au lieu de l'adaptation de Kubrick... Et comme je n'ai pas lu le livre non...
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le 22 avr. 2016
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Il fallait un sacré culot à Adrian Lyne, cinéaste souvent honni par les critiques, pour s'attaquer à une nouvelle adaptation du roman de Nabokov après celle de Kubrick. Comme il faut sans cesse se justifier ces temps-ci et même si l'art et la morale sont deux choses bien distinctes, rappelons que l'écrivain ne légitime nullement le comportement d'Humbert vis-à-vis de sa belle-fille. Dans cette version, Lolita prononce elle-même le mot fatidique: "Inceste", à défaut de celui de pédophilie.
Habitué aux rôles sur le fil du rasoir, Jeremy Irons a suffisamment de talent pour qu'on éprouve de la sympathie pour son sulfureux personnage, tout en montrant la nature profonde d'Humbert: un être veule, lâche, opportuniste, nullement maître de son destin, finalement assez pitoyable dans son immâturité affective. L'homme ne s'est jamais remis d'un amour de jeunesse d'autant plus idéalisé qu'il fut bref et connut une issue tragique; un amour qu'il croit retrouver en Lolita, sauf que lui n'est plus un adolescent. Il y a également tragédie dans la destinée de cet homme dominé par sa ion, manipulé, trahi, finalement désespéré. Lolita n'est qu'une illusion, comme l'indique son nom (haze = brume): Humbert va droit dans le mur en prenant pour objet d'un amour immense un être qui n'a ni l'âge ni une réelle envie de jouer ce rôle.
La reconstitution de la fin des années 40 est soignée, convaincante, et, même si son rôle est bref, Melanie Griffith compose (elle aussi) un personnage assez tragique, celui d'une femme frustrée, manipulée et trahie. Si James Mason partait d'un rire particulièrement cruel en lisant la déclaration d'amour de Charlotte Haze, Jeremy Irons, lui, se contente de rester abasourdi.
Devant la caméra gourmande et assez complaisante d'Adrian Lyne, Dominique Swain (16/17 ans à l'époque) incarne une Lolita d'une sensualité troublante, mais qui n'est précisément qu'un corps. L'adolescente n'a rien de romantique ni de brillant, c'est une charmante tête à claques, vaine, capricieuse, ignorante, vénale, qui a bien compris comment obtenir ce qu'elle veut de son amant (on la voit lui caresser la jambe en remontant de plus en plus, ... pour obtenir une augmentation de son argent de poche), et paraît se venger simultanément de lui en se fichant complètement de ses sentiments (la scène terrible où elle se moque de lui tandis qu'il la supplie en pleurant). Mais, si certaines adolescentes peuvent se montrer charmeuses, elles sont néamoins trop jeunes pour mesurer quelle peut être réellement la portée de leurs actes. Sans le réaliser, Humbert caa la déchéance de Lolita en plus de la sienne. Précocement réduite à un objet sexuel, elle ne connaîtra pas de deuxième chance: elle n'échappera à Humbert que pour tomber dans les sales pattes d'un prédateur franchement répugnant. Comme chez Kubrick, la dernière entrevue entre Humbert et Lolita est un moment pathétique: Humbert retrouve enfin sa nymphette, mais prématurément vieillie, fauchée, menant (?) une vie triste à pleurer. Mais aussi écervelée que naguère: elle ne comprend toujours pas l'importance qu'elle aura eue dans la vie d'Humbert. Ce dernier n'aura plus qu'à se venger de celui qui lui a pris Lolita, puis à se laisser mourir.
En somme, Adrian Lyne s'en est plutôt bien sorti, même si certains pourront le trouver trop indulgent avec Humbert.
Créée
le 5 déc. 2021
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