A l’heure où les tensions entre La et l’Algérie rouvrent les plaies de leur divorce, le dessinateur et scénariste Nicolas Juncker (co-auteur de l’excellent Un Général, Des Généraux) s’y engouffre afin d’en évaluer la béance. S’appuyant sur l’histoire vraie du projet de Musée de la en Algérie porté en 2003 par la ville de Montpellier et le premier édile de l’époque, le cynique Georges Frêches, l’auteur retrace celle – fictive - du Musée Poaillat. Annoncé en grande pompe par le ministre de la Culture à l’issue des obsèques du photographe de presse Gérard Poaillat, ce futur mémorial présentera les séries photographiques réalisées par ce dernier lorsqu’il fut en poste en Algérie. Un binôme composé d’une historienne et d’un artiste se constitue alors autour du maire de la commune accueillante et de la veuve du photographe afin de faire de cet espace, un lieu de réconciliation des peuples. Mais ce projet devient rapidement un sujet de discorde au sein de cette équipe, chacun des protagonistes étant mue par des intentions qui lui sont propres : l’épouse souhaite ainsi préserver l’intégrité matérielle de sa villa où seront exposés les clichés de son défunt mari alors que l’artiste, dans un élan matta-clarkien, entend en perforer les murs, tandis que le maire cherche à ménager sa cote de popularité auprès de ses istrés pour obtenir son ticket vers les prochaines législatives. Quant à l’historienne – la plus sensée des quatre personnages – elle se débat avec sa rigueur scientifique chevillée au corps. Ajouté à cela, la lutte mémorielle à laquelle se livre les différentes communautés (harkis, pieds-noirs, soldats du FLN, vétérans de l’Armée Française, immigrés d’Algérie), et vous obtenez un cocktail hautement inflammable. Trous de Mémoires, qui peut s’entendre comme l’expression du caractère lacunaire de la mémoire, ou la focale à travers laquelle le é est regardé, prend le parti de rire de cette impossible concorde. Un rire de désespoir. Une tragi-comédie.