Spectregraph, c'était un peu la grosse attente de 2025 dans la sphère comics, en partie car le duo à l'œuvre en a intrigué plus d'un : d'un côté, le scénariste James Tynion IV, maître du suspens horrifique avec son The Department of Truth, The Nice House on The Lake ou Worldtr33. De l'autre, le dessinateur Christian Ward, qui avait œuvré Batman : City of Madness, avec ses hauts et ses bas. Ensemble, cela donne le one-shot Spectregraph, édité chez Delcourt, et il y a du très bon...comme du moins bon.
Le comics s'affirme rapidement comme une œuvre d'horreur et de réflexion symbolique, à la façon de The Nice House on The Lake, qui explorait les diverses facettes de personnages ayant tous en commun un ami oublié. Ici, c'est la place de l'élite bourgeoise dans une société capitaliste et sa quête vers une immortalité futile et illusoire qui est au centre du récit, le tout au sein d’un thriller angoissant.
Au sein du manoir, demeure titanesque à l'architecture labyrinthique, les fantômes du é arpentent les couloirs au travers d'une vision colorée et pop dérangeante, comme seul sait en créer Christian Ward. On reprochera cependant un certain "laisser-aller graphique" par moments, qui donne lieu à des planches moins réussies et inspirées visuellement, proche d'un crayonné inabouti.
Il y a par contre nombre de séquences brillamment mises en scène, qui explorent avec une grande finesse les tourments intérieurs de notre protagoniste principale, Janie. Agente immobilière tourmentée par son incapacité à être une bonne mère et par ce qu'elle a laissé derrière elle, elle se révèle assez touchante dans ses moments de fragilité pure, tandis que le mystère occulte autour du manoir s'épaissit.
On aurait cependant aimé en apprendre davantage sur ce lieu et son fonctionnement, d'autant que la prétendue critique de l'élite bourgeoise américaine se révèle assez légère, tout en sonnant comme une redite plutôt convenue des problèmes liés à une immortalité vaine.
Spectregraphe reste une surprise assez agréable pour qui ne connaîtrait pas le travail de James Tynion IV. Reste que, pour l'heure, The Nice House on The Lake est sa meilleure création et qu'il faudrait songer à explorer des pistes narratives nouvelles dans l'espoir de créer à nouveau un petit bijou similaire.