Le Papa Noël a décidément des idées de génie généreux.
Ce qui est encore mieux quand on ne voit ses amis que quelques jours après la fête et qu'il a déposé un joli paquet au pied de leur sapin.
Je connaissais Enki Bilal ayant lu certaines de ses ouvres et vu ses longs métrages de cinéma.
Je ne possèdais rien de lui jusqu'à ce jour mais j'avais déjà lu ces tomes au cours de mes pauses de job étudiant.
Je redécouvre avec un immense plaisir cette tétralogie du monstre composée de 4 volumes
Le Sommeil du Monstre, Les Humanoïdes associés, 1998.
32 décembre, Les Humanoïdes associés, 2003.
Rendez-vous à Paris, Casterman, 2006.
Quatre ?, Casterman, 2007.
Le dernier tome de cette série prévue pour être une trilogie a été annoncé à la fin du troisième et les deux ont fusionné par la suite selon la volonté de l'auteur.
Habitué à construire des oeuvres engagées politiquement, socialement, Enki Bilal centre son questionnement sur le pouvoir de la religion sur la société qu'elle participe à construire.
Les conflits que la foi engendre, dont il a lui même souffert, lui permet ici de mettre en scène une société post apocalyptique esthétisant la violence.
Dans une atmosphère grisatre et angoisante, il fait vivre des personnages déglingués (jusque dans leurs vêtements) dans une urbanisation futuriste et désagrégée. Ils ont fréquemment recours aux greffes et aux amputations ce qui rend leurs corps complètement déshumanisés.
Ces démembremens sont bien évidemment le reflet de la société dans laquelle ces personnages évoluent. Etat renforcé par l'état de la mémoire de ces mêmes personnages.
La construction des planches, les mêmes scènes répétées d'un point de vue différents, les champs/contrechamps sont issues de son expérience cinématographique et valent à la tétralogie le néologisme de bande et ciné.
Rien n'est dû au hasard "Bioskop" signifiant même cinéma en serbe, langue maternelle de l'auteur.
La lecture non linéaire de l'oeuvre fait voyager le lecteur entre le présent des personnages, 2026 et le é du narrateur lors de sa naissance en 1993. Cette fragmentation de la temporalité narrative cherche à imposer aux personnages comme aux lecteurs une autre conception du temps. En effet Bilal se sert de ce subterfuge car il lui est impossible d'affronter directement des événements extrêmement douloureux pour lui et explicite son propre rapport au é. Il s'interroge ainsi sur le poids de l'Histoire et l'importance de la mémoire dans la construction d'un individu.
La dichotomie Est/ouest est un enjeu important de cette histoire qui voit une opposition marquée entre Paris et Belgrade.
La réunion des trois personnages, sarajeviens d'origine, est le but principal du cycle.
Le rendez vous raté à Belgrade dans le bloc de l'Est sera-t-il effacé par une réunion effective à Paris montrant la suprémacie (relative ? occasionnelle ?) de l'ouest ?