Le dessinateur de La Bombe (que je n’ai pas encore lu) et le scénariste de La Ballade du soldat Odawaa (que je n’ai également pas lu) s’associent pour un nouveau récit historique, La 3e Kamera (que j’ai lu !). Cette 3e caméra, c’est l’appareil que la majorité des Propagandakompanien, les reporters de guerre allemand de Goebbels, portaient secrètement sur le terrain de la Seconde Guerre Mondiale. Leurs clichés, hors de tout contrôle du ministère de la propagande, fixaient une histoire en négatif à celle développée par le Troisième Reich, plus inavouable, plus sensible, parfois moins glorieuse. En outre, ces photographies étaient l’expression de la subjectivité du regard du photographe, libéré de la contrainte informationnelle. Un véritable trésor, donc, très convoités dans l’Allemagne d’après-guerre, au moment du procès de Nuremberg.
Je m’attendais à une biographie ou un récit d’investigation sur l’un des photo-reporter du Reich. Mais l’angle choisi par les deux auteurs est plutôt celui du thriller et du film noir. Le lecteur suit ainsi la course effrénée du lieutenant Horowitz dans le Berlin de mai 1945. Dans son collimateur : un dénommé Egon Krabe et le boîtier photographique clandestin d’un certain W.F.. Quelque part entre Cape et Poignard et The Good German, La 3e Kamera révèle ce qui était tapis dans l’ombre des ruines : de jeunes rapineurs et de monstrueux SS en fuite, des vols et des meurtres. Et au bout de ce dédale, des images étonnamment compromettantes pour la grandeur du régime Nazi. Le récit est rythmé, dynamique mais confus par endroit et manquant selon moi d’un peu de nuance dans les noirs de l’arrière plan historique. Reste que le dessin de Denis Rodier est saisissant, superbement mis en valeur par le format de la BD.
En outre, pour les amateurs d’Histoire, un dossier en post-scriptum fait une mise au point sur le rôle de la photographie de guerre durant cette sombre période.