Skeletá
6.3
Skeletá

Album de Ghost (2025)

Satanisme festif

Au bout de la 7ème piste, on commence pour de bon à se demander ce qu’on est en train d’écouter. Non pas qu’il n’y eut point d’avertissement avant, mais ce refrain constitue une sorte de point de non-retour : « Love rocket … shot right between your eyes … Love rocket … excite me with your demands », étant entendu que les points de suspension ne rendent pas fidèlement compte du peu subtil riff d’arena rock qui sépare les phrases. Si à ce stade de l’album l’esthète lo-fi et avant-gardiste n’a pas déjà pris la fuite, c’est qu’il apprécie justement l’absence de demi-mesure avec laquelle Ghost investit le « hard rock FM ». Si jamais on a un jour apprécié un morceau appartenant à ce genre – on est en droit de prétendre le contraire -, de Scorpion par exemple, ou, moins douteux, de Blue Oyster Cult, ce n’est pas en dépit mais du fait de la grandiloquence mélodramatique qui nourrit leurs mélodies. Le génie mélodique notoire du groupe non seulement s’accommode très bien de n’importe quel excès de ce genre, mais revitalise par une science inouïe du refrain et de la composition les codes parfois kitsch du hard rock. Il n’a qu’à voir la manière, dès l’ouverture, dont les chœurs et la nappe d’orgue débouchent par un crescendo mélodique à un refrain hymnique irrésistible.


Faire de la pop à partir de sonorités hard rock/métal n’est certes pas inédit pour du « hard FM », mais cette ambition est particulièrement débridée chez Ghost, au point d’avoir de curieuses inspirations mélodiques : Umbra par exemple ressemble à ce que donnerait un morceau de métal composé par ABBA, surtout dans le refrain. Au point de surer leurs prédécesseurs à minima en tant qu’artisans de tubes ? Ils sont en tout cas parmi mes principaux pourvoyeurs de mélodies accrocheuses et de refrains mémorables dans la musique contemporaine, tout en réussissant à retrouver à l’occasion la beauté noire de l’époque Meliora avec le morceau De Profundis Borealis.


Et si l’esthète lo-fi et avant-gardiste est allé au bout de l’album, et donc de la dernière piste langoureuse et de son pré-refrain (Everybody leaves one day … i know it hurts … Everybody goes away … you will too … i will too …), c’est qu’il a compris que l’avant-gardisme est censé être une libération des carcans en vigueur, et non un nouveau carcan qui te prive d’un groupe comme celui-ci. Comme Ghost et leurs fans avec leur satanisme festif et déluré, on peut reprendre des codes et artifices sans en être complètement dupe, mais quand même suffisamment pour être atteint en plein entre les yeux.


https://lacouleurpourpre.fr/skeleta-de-ghost-satanisme-festif/

7
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le 8 mai 2025

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Mr Purple

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