Indéniablement, Vision d'Escaflowne est identifiable comme un animé des années 1990. Son goût pour la fantasy, ses décors peints, ses légère tentatives pour inclure des effets 3D, son goût pour les méchas, pour les téléportations dans de grands rayons de lumière, ses décors peints à la main, les effets de vent dans les t-shirt des garçons et les jupes plissées des filles, tout cela rappelle un moment précis de l'animation japonaise.
C'est aussi mon deuxième animé préféré, après Cowboy Bebop. C'est le Sunrise de la grande époque, cette compagnie qui enchaînait les séries géniales comme on enfile des perles et qui avait la plupart du temps un marketing désastreux en termes de produits dérivés.
Et pourtant, je n'aime pas la fantasy. Et la plupart des éléments du scénario relèvent d'archétypes bien connus : un vieillard qui veut jouer à Dieu, divers éléments de drame bourgeois (soeur/frère/parents disparus), des rois, des princesses, des légendes de royaume perdu, des pendentifs magiques, un groupe d'aventuriers fuyant un empire maléfique, un triangle amoureux...
Malgré tout, cette oeuvre parvient à aller au-delà des clichés. Peut-être du fait d'un rythme malin, qui ménage des ruptures de ton qui laissent respirer le récit. C'est dans ces moments où Hitomi boit l'intérieur d'un fruit à la paille tandis que Van fait l'entretien de son mécha, que l'univers prend toute sa consistance. Pour autant, Gaïa reste un univers improbable, rêvé, où se côtoie de multiples esthétiques : des villes italiennes de la Renaissance, un Japon féodal très kurosawaïen, les croisades, du steampunk sous forte influence vernienne, mais aussi d'autres univers combinant des ambiances plus asiatiques (le royaume de Freid combine des éléments cambodgiens, laotiens et chinois). Il règne dans cet univers une ambiance joyeuse, élégante et fantaisiste qui me rappelle beaucoup La tempête de Shakespeare.
Les thèmes abordés, qui peuvent sembler très adolescents au premier abord, posent de vrais questionnements : sur la bonne manière d'aider l'autre sans qu'il dépende de vous, sur l'importance de respecter les sentiments de l'autre, sur le caractère mystérieux des affinités électives, mais aussi sur la guerre : être efficace, n'est-ce pas devenir un simple outil ? Une désescalade est-elle possible ? Quel est l'impact des dégâts que l'on inflige ? Ce n'est pas du tout fait de manière pleurnicharde ou introspective, mais, encore une fois, sur un mode shakespearien, comme lorsque Van, pris d'une frénésie meurtrière, est brusquement stoppé par les fantômes des hommes de Dilandau qu'il a tués, ou lorsque Dilandau sombre dans la folie à la suite de cet épisode. Il y a aussi du Goethe, notamment dans cet épisode où Folken devient une sorte de metteur en scène de romance entre Allen et Hitomi, avec la fameuse scène du pont.
Il y a bien des personnages mémorables, et j'aime beaucoup l'aspect syncopé du scénario, qui décide de er à autre chose après avoir planté un décor. On repart avec l'impression d'avoir vu en ant quelques éléments d'un univers plus vaste. Un univers coloré, chatoyant et élégant.
Bien sûr la jeune génération n'aimera pas forcément l'aspect roublard de l'animation, qui est parfois assez saccadée, et triche parfois avec des images fixes montées de manière dynamique (les éternelles contraintes de temps de la production). C'est une époque charnière, où l'on faisait encore des choses à la main, mais avec un début d'assistance ordinateur. Tout n'est pas parfait, et aujourd'hui les effets spéciaux, les plans sont beaucoup plus dynamiques, mais ça a du goût, de l'intelligence et une forme de naïveté digne.
Je n'ai pas parlé de la bande-son de Yoko Kanno, qu'en dire, sinon qu'elle est absolument mémorable, avec des influences multiples (Mozart, Ravel, Debussy, Carmina Burana etc...). Les morceaux reviennent assez vite, mais personnellement je ne m'en lasse jamais.
Je n'ai pas parlé en détail de l'esthétique, avec l'influence de Fritz Lang par exemple (l'animation des dragons terrestres, au design si particulier, m'a toujours fait délirer).
C'est la deuxième fois que je revisionne Vision d'Escaflowne, que j'avais découvert au milieu des années 2000. Et ce n'est certainement pas la dernière fois que je reviens sur Gaïa suivre les caravanes d'hommes-fauves qui remontent lentement sous la lune jusqu'aux portes de Fanelia.