Pachinko
7.9
Pachinko

Drama Apple TV+ (2022)

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Les déracinés du pays du matin calme

D'après que j'ai entendu, le drama est assez édulcoré par rapport au roman, mais comme je ne l'ai pas lu, je vais m'en tenir juste à ce que j'en ai vu des deux premières saisons, pour vous livrer mes impressions sur cette saga romanesque. Celle ci va faire évoluer deux périodes juxtaposées en même temps, en toute finesse et lisibilité : la période des années 1920/1950 en Corée puis au Japon où nous allons suivre le parcours de l'héroïne principale, avec celle de la période moderne qui se situe dans le Japon de 1989 où le petit fils sera mis en avant. Cette critique regroupe les 2 saisons déjà diffusées. C'est tout simplement magnifique!


Kim Sun-Ja(Kim Min-Ha) est née Corée, au début du XXe siècle, alors que le pays faisait partie de l'Empire Japonais. A peine adulte, elle rencontre un négociant coréen nommé Koh Han-Su(Lee Min-Ho), marié à une japonaise et qui vit au Japon. Lui cachant son é, elle découvre l'amour avec lui et se retrouve enceinte. Il repart à Tokyo, Sun-Ja ne lui disant rien de sa situation. Un Pasteur coréen, Baek Isak (Noh Sang-Hyun) propose alors de l'épo, après avoir été sauvé d'une grave maladie par Sun-Ja et sa mère. C'est le prélude à un changement radicale de vie pour elle, qui va se retrouver face à un pays, une langue et des gens qui lui sont qui lui sont étrangers, mais surtout hostiles à elle et à son peuple.

En parallèle, À New York, en 1989, Baek Solomon(Jin Ha), le petit fils de Sun-Ja, citoyen japonais, est déterminé à réussir dans le monde des affaires après avoir étudier notamment à Yale. Solomon propose à ses supérieurs de se rendre à Tokyo pour convaincre une Coréenne de vendre son terrain au groupe hôtelier avec lequel son entreprise est en affaires. Il espère ainsi prendre du galon. Il en profite aussi pour rendre visite à sa famille qu'il n'a pas vu depuis longtemps. C'est le retour aussi à une dure réalité qu'il avait éludé depuis trop longtemps.


Cette saga, c'est avant tout le voyage initiatique et sans retour d'une jeune femme poussée malgré elle sur le chemin de l'exil, vers un pays qu'elle ne connait pas, et dont elle ignore tout. Elle est native de la Corée, mais l'essentiel de son existence, autour de laquelle va graviter sa famille, va se dérouler au Japon, pays dans lequel elle cherchera à se faire une place que très peu de monde lui fera. Ses joies et ses peines, ses douleurs d'épouse et de mère, tout ce qu'elle va vivre, elle l'acceptera, mais elle n'oubliera jamais ses racines, l'amour de sa langue maternelle et les liens historiques avec qui elle entretient une ion amoureuse. Surtout qu'on lui rappellera souvent que ce n'est après tout, "qu'une coréenne". Elle gardera sa bonté d'âme toute sa vie, sans aucune rancune ni animosité, avec comme seuls mots d'ordre, le pardon et la miséricorde.


Pachinko c'est avant tout un arrosoir à émotions sincères. Entre une grand mère nostalgique de ses racines coréennes et vivant au au japon, et un petit fils japonais qui se cherche encore dans ses racines à la fois japonaises et coréennes, on ressent bien toute la douleur, la frustration et la colère éprouvés à leur manière par ces générations qui ont parfois du mal à se comprendre. Il doit prouver sa valeur en reniant certaines de ses valeurs pour se faire accepter. Pour un occidental, il peut sembler dur de comprendre encore de nos jours ce que peut ressentir un coréen envers un japonais et inversement. Le racisme anti coréen est montré de manière posé mais explicite, que ce soit durant l'époque coloniale ou dans le japon moderne.


Dans ce voyage entre deux temporalités, où le Ying et le Yang vont s'assembler de manière harmonieuse pour exprimer ce combat pour la dignité, l’intégrité e le respect, c'est avant tout l'authenticité qui va en ressortir. Après plusieurs décennies d'asservissement, le présent est toujours rattrapé par le é, notamment quand le racisme décomplexé des japonais envers les coréens ne change quasiment pas après plusieurs générations : noms "japanisés", assimilation culturelle et linguistique, travailleurs dévoués, rien n'y fait, un coréen reste au mieux un "batard" ou au pire un "chien" pour le japonais de base, élevé dès le berceau dans la haine vis à vis de son voisin. C'est pour cela que le personnage de Koh Han-Su interprété avec talent et charisme par Lee Min-Ho est tout à fait remarquable. Naviguant en eaux troubles, ce personnage est à la fois détestable et méprisant que touchant. L'épisode 7 de la saison 1 explique d'ailleurs son évolution.


La structure du récit de Pachinko remet aussi en perspective divers éléments historiques en arrière plan, comme le séisme de 1923 du Kantō, qui a détruit quasiment toute l'agglomération de Tokyo, faisant plus de 110 000 morts et disparus. Et comme si cela ne suffisait pas, Il ne faut pas oublier que si les nazis et l'Empire japonais ont commis atrocités et actes de barbaries, les américains n'ont pas été en reste non plus, n'hésitant pas à massacrer au printemps plus de 100 000 civils dans la baie de Tokyo, l'apocalypse final étant l'annihilation de plus de 200 000 civils brulés vifs sur Nagasaki et Hiroshima en Aout 1945. 20% étaient des coréens travaillant dans les usines d'armement. Et bien sur, la guerre de Corée va encore diviser les coréens japonais.


Enfin, Pachinko est surtout un voyage initiatique et introspectif qui essaye de manière peut être maladroite et utopique, d'établir un pont entre le pays du matin calme et le pays du soleil Levant, montrant, que à terme, ces deux pays ennemis de toujours ont peut être plus en commun qu'ils ne le pensent. Entre s'assoir sur ses valeurs, son héritage ancestral et son honneur pour de l’argent ou un orgueil mal placé, la marge est faible et fragile. On marche toujours sur des œufs parce que ce sont toujours les coréens qui font le premier pas, alors que les japonais, en terrain conquis font toujours preuve d'arrogance et de mépris, surtout les anciennes générations. C'est très bien retranscris que ce soit en 1989 comme dans le é. Ce que je retiens surtout, c'est que le parcours de vie de Sun-Ja est jalonné d'une forme de mélancolie.


Ce qui marque dans la série, c'est une réalisation et une mise en scène de très grande exemplarité qu'on a pas l'habitude de voir. On sent bien une patte occidentale et japonaise derrière tout çà. Les acteurs sont tous formidables et savent nous transmettre et nous faire ressentir des émotions qui vont nous émouvoir de manière touchante et poignante. Nous suivons le destin de la famille de Kim Sun-Ja avec respect et empathie. Ce qui marque aussi c'est la qualité de la photographie et la subtilité dans les dialogues, toujours justes et qui font mouches. C'est une fresque empirique de qualité qui nous est proposé et à laquelle on adhère dès les premières minutes. C'est aussi un champ musical très beau. J'ai trouvé la première saison un peu plus intense que la seconde, mais c'est un avis personnel, peut être parce que j'étais plus attaché à la partie historique.


Pour conclure, je dirais que Pachinko est un chef d'œuvre qui fera battre ton cœur, un aboutissement qui vient redre des séries de très grande tenue comme Mr Sunshine et La vie portera ses fruits, et qui te fera aimer encore plus la Corée et son peuple, un peuple en souf pris en étau entre le géant chinois et l'ennemi héréditaire nippon. Le titre est d'un logique implacable puisqu'il est directement à la famille Baek sur plusieurs générations. Et même si on a pas lu le livre et que des éléments ont forcement été éludés ou sous exploités, l'essentiel du message est é, en tout cas pour moi. Vivement la dernière partie en 2026.

Dernière chose, il est bon de rappeler aussi que jusqu’en 1945, il y avait plus de 2,5 millions d’immigrés coréens au Japon. Après la guerre, plus de 1,5 millions sont répartis en Corée, la dernière vague entre 1950 et 1953 pendant la guerre de Corée. Actuellement la 4e génération ne comprend plus que 550 000 personnes qui n’ont pas les mêmes droits que les japonais de souche. Ils sont appelés les "Zanichi" et sont traités comme des citoyens de seconde zone.


Main Theme : Pachinko — Ouverture Saison 1

10
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Créée

le 1 mai 2025

Modifiée

le 2 mai 2025

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