La mini-série est une bonne alternative : 10 épisodes pour un total d’à peu près six heures permettent d’installer un monde, de mettre en place deux arcs, d’éviter les boursoufflures et de conclure réellement son propos.
Maniac s’en sort plutôt bien sur bien des critères. L’univers qu’il expose, s’il n’est pas foncièrement original, a le mérite de bien cre ses partis pris, comme celui d’une vision vintage/futuriste, où la misère du design côtoie les excroissances de ce que notre société capitaliste génère déjà en matière d’effroi. Ecrans cathodiques, pote personnalisé pour des publicités oralisées, la société proposée refuse toute la fascination visuelle que les dystopies proposent d’habitude, et c’est plutôt une bonne idée.
Le couple de comédiens est la grande plus-value de la série : le scénario est pour eux une mine d’or, dans la mesure où la navigation entre divers univers fantasmatiques va leur permettre une grande variété de jeux et de personnages. Emma Stone ne ménage pas ses efforts pour travailler la palette de la badass blessée, tandis que Jonah Hill, assez méconnaissable (amaigri et plus mature, il semble désormais un frère de Ben Stiller) joue sur une partition plus épurée qui lui permet d’exprimer des émotions qu’on ne lui connaissait pas.
Face à eux, l’équipe technique de ce labo qui les embauche comme cobaye crée une communauté un peu destroy qui fonctionne elle aussi plutôt bien. Car si l’intrigue, fondée sur des paliers d’expériences et l’inévitable crash dans l’expérience ne brille pas par ses innovations, c’est sur le terrain de l’humour que la série tire son épingle du jeu. Il faut attendre le quatrième épisode pour que celui-ci s’exprime pleinement, dans un trip assez malin, sorte de sketch décroché qui va explorer l’univers un peu branque des frères Coen autour du braquage d’un lémurien. A partir de là, la bride est lâchée, et la dérision vient donner une saveur salvatrice à ce mélange d’Inception et 2001 qui avait toutes les chances de s’enliser : un Œdipe grotesque, une parodie de fantasy assez dispensable, un film de mafieux et une ambiance de guerre froide qui finit en bain de sang sont à chaque fois davantage présentés comme des réflexions distancées sur les genres plutôt que des renouvellements infinis du divertissement.
C’est la raison pour laquelle on attend beaucoup du dénouement, qui viendrait remettre les pendules à l’heure et donner un nouvel éclat au réel. Malheureusement, la romance et la mièvrerie s’invitent un peu trop à la danse, et on a beau emprunter Le Lauréat pour le dernier plan, on ne peut s’empêcher de se dire que citer celui de Brazil aurait eu bien plus d’impact.
Peut-être est-ce trop demander. Quoi qu’il en soit, le format de la série permet de ne pas se focaliser uniquement sur ces écueils : on aura, avant cette destination, fait bien des voyages, autant de détours dans des esprits qui nous renvoient à notre propre condition, et poursuit une réflexion abordée récemment par Under the Silver Lake : l’architecture de nos inconscients est avant tout édifiée sur la fiction, et nos fantasmes structurés par la pop culture.
(6.5/10)