Exemple de série française produite dans les années 2000, Malo Korrigan est une série qui, comme bien des série européennes, est très ambitieuse dans sa construction d'univers, extrêmement détaillée grâce à une direction artistique de très bonne qualité qui arrive à bien mélanger la 2D et la 3D. Infusé d'animation japonaise - un tableau de Cobra traîne dans le décor ! - Malo Korrigan est sur l'aspect formel, presque ce qu'on pourrait considérer comme une réponse française à Cowboy Bebop, sauf que le jazz est remplacé par la country et qu'en place de chasseurs de primes, on nous raconte les aventures de "Traceurs", c'est à dire des routiers de l'espace.
La mise en scène n'est pas aussi précise que dans son inspiration, les scènes d'actions manquent de peps et le graphisme est moins détaillé. Moins détaillé mais fort joli tout de même, la direction artistique est de qualité production française oblige, et rend bien ce large univers spatial coloré et varié. Malo Korrigan a cette première qualité, elle ne se laisse pas enfermer pas ses inspirations et se crée un style propre.
Le trio principal est très solide et charismatique, le personnage titre en tête, lequel est expérimenté. Il a un certain âge, puisqu'il lui faut utiliser des lunettes par moment quand il lui faut lire. C'est un vieux loup de l'espace à qui on ne la fait pas et qui ne se laisse pas prendre facilement au piège. Malo Korrigan est un des traceurs les plus populaires de son métier, peut-être même leur chef non-officiel. Les traceurs sont une véritable communauté soudée qui s’entraide, leur existence pose problème au Consortium, un syndicat d'entreprises désireux de raffermir son pouvoir monétaire par la force, lobbysme et autres méthodes à la légalité douteuse quitte à détruire quelques écosystèmes et peuples dans le procédé. Typique. Les Traceurs sont le seul organisme qui représente la force d'opposition active face au Consotsium, Korrigan déjouant leurs plans de manière routinière, puisque la Ligue Cosmocratique qui est l'organe gouvernemental doit rester if sur la question tout comme ses forces de police. Malgré tout, ce gouvernement préfère utiliser les services des traceurs indépendants plutôt que le Consortium, et donc ils ont fini par former des relations avec eux. Les traceurs vivent avec l'existence du Consortium au dessus d'eux, tachant à leur niveau de limiter leurs velléités au jour le jour sans pour autant essayer d'en finir. Pour autant que le Consortium est relativement récent (formée environ dix ou vingt ans auparavant), c'est une force bien trop grosse avec son armée privée, et les traceurs c'est plus du style système D. Aussi, les épisodes restent sur les aventures routinières.
Malgré une forte emphase sur l'action, ce sont dans l'essence des scenarii de science fiction, qui semblent s'orienter vers des idées parfois classiques mais bien menées. Les concepts scientifiques ne sont probablement pas rigoureuses mais l'intention est claire, c'est de mettre un pied dans de la SF concrète avec des termes et des théories citées à l'écran histoire de se donner consistance.
Les scenarii sont assez variés, ce qui ne les empêche pas de tomber dans des épisodes archétypes plus ou moins réussis. Elles sont inégales, mais maintenus à un niveau moyen grâce à la direction artistique très recherchée, et les diverses indications disséminés sur cet univers très riche. La plupart des informations sont distillées au compte goute et ne se comprennent que contextuellement, ce qui fait que les phases d'exposition sont rares. D'un coté, ça signifie qu'il faut bien suivre pour reconstituer le contexte, d'un autre, ça signifie que les aventures sont immersives, avec pour autre objectif de laisser l'intrigue du jour être immédiatement compréhensible ce qui est parfait pour une série épisodique. L'épisodique c'était une obligation de la télévision française qui refusait les feuilletons, lesquels étaient très rares ; Chris Colorado et Argaï, la prophétie constituant de rares exceptions de l'époque, et justement elles ne vous disent certainement rien. Il n'y a donc ni début ni fin : ce n'est que la vie quotidienne des traceurs de l'espace, ainsi représenté dans la catch phrase de Korrigan : "La routine". Rien de plus, rien de moins, un boulot de tous les jours avec ses haut et ses bas. Les scénaristes auraient certainement voulu faire une intrigue plus suivie (il y en a des ébauches avec notamment Lothar, le père adoptif de Korrigan mystérieusement disparu qui est cité plus ou moins directement dans quelques épisodes), mais la possibilité ne leur a simplement pas été donnée. Le fait qu'il n'y ait pas eu de seconde saison, un Graal pour une série européenne des années 2000, aura fatalement enterré tout espoir. Il y aurait peut-être eu un épisode à la fin plus ambitieux que les autres pour marquer le coup, mais comme trop souvent le temps et l'argent ont du manquer ce qui n'a donné que deux épisodes de recyclage d'images.
Assurément la série aurait mérité qu'on la laisse déployer plus grandement ses ambitions narratives, et vingt-six épisodes étaient trop peu pour un monde si large dont on aurait aimé découvrir plus amplement la camaraderie des traceurs. Pour ce que l'on a, le bilan reste très réussi dans son ensemble, aidé par une musique qui oscille entre la techno 2000 de l'époque et le blues-rock. Ayant en plus réussi à maîtriser ses influences pour réaliser une série d'action science-fiction travaillée mais humble du aux contraintes des diffuseurs, c'est un monde d'aventures futuriste, avec des croiseurs et autres vaisseaux spatiaux traversant l'espace, où il faut déjouer régulièrement les machinations du consortium, et tout ça... eh, la routine.