Saison 1 :
Nombreux sont ceux qui ont déploré que la série "l'Aliéniste" soit au final une adaptation très faible du best-seller de Caleb Carr, en particulier du fait du manque de complexité et d'ambigüité du personnage principal de l'aliéniste (c'est à dire une sorte de pré-psychiatre d'avant Freud...) Laszlo Kreisler, auquel Daniel Brühl - acteur pourtant notable, il suffit de se souvenir de sa prestation extraordinaire en Nikki Lauda dans Rush - prête ses traits (trop ?) juvéniles et sa raideur germanique. Il nous est difficile d'argumenter sur ce sujet, n'ayant pas lu le livre. Par contre, il est clair que nous sommes devant une série TV des plus classiques, presque déée par rapport à la majorité de la production du genre, et que ce manque d'originalité (certes dissimulé derrière une imagerie vaguement steampunk et quelques scènes gore), frôlant souvent l'accumulation de stéréotypes paresseux, ne joue pas en faveur de cet objet un peu... ringard.
Nous voilà donc dans le New York des dernières années du XIXè siècle, abandonné à la violence la plus brutale - pour la majorité des pauvres immigrants qui en peuplent les quartiers sordides - ou à la corruption endémique - pour les riches et les parvenus : sévit dans cette atmosphère assez gothico-anglaise un serial killer "à la Jack the Ripper", mais qui s'en prend lui aux garçons prostitués. Face à lui, un groupe improbable d'enquêteurs improvisés autour de Kreisler : un dandy alcoolique et tourmenté (Luke Evans, excellent, est l'une des bonnes raisons de regarder cette série), la première femme policière de New York (Dakota Fanning, transparente), deux détectives juifs en butte au racisme de leurs collègues, le tout sous la direction du Chef de la Police, le jeune idéaliste Theodore Roosevelt, qui ne tardera pas à devenir Président de la République ! Mais les plus dangereux des ennemis ne sont pas forcément les tueurs en séries, et nos amis vont l'apprendre à leurs dépends...
Au cours de 10 épisodes plutôt longuets, on aura droit à une enquête assez classique, à une reconstitution mi-luxueuse mi-digitale de New York, et à une peinture accablante des mœurs de l'époque, le tout se terminant dans un affrontement sans surprise dans de sombres tunnels. Hormis une échappée bienvenue hors de la ville qui renouvelle l'ambiance et le sujet de la série, on s'accrochera, pour ne pas trop s'endormir, à la romance inavouée entre Sara et John ou au mélodrame de la grande histoire d'amour entre Mary et Laszlo.
C'est assez pour qu'on ne ressorte pas trop frustrés de cette première saison très consensuelle, qui rappelle quelque part le ronronnement de la "télé de papa" du siècle dernier.
[Critique écrite en 2020]
Saison 2 :
Un Daniel Brühl bien trop lisse pour prendre les traits du « génial aliéniste », une mise en scène académique, des scènes ridicules, un scénario prévisible… la plupart des téléspectateurs n’avaient pas de mots assez durs pour juger de l’échec de l’adaptation de "l’Aliéniste" de Caleb Carr (… qui faisait pourtant partie de l’équipe en charge de la série !).
Du coup, on imagine bien que la sortie d’une seconde saison, deux ans plus tard, n’a guère provoqué d’excitation, et que nombre des déçus ont décidé de faire l’ime. Ce serait pourtant une erreur de ne pas tenter à nouveau l’aventure : nous sommes devant le cas exemplaire de producteurs qui ont écouté les critiques à leur égard, et qui ont rectifié le tir de manière étonnante dans cet "Angel of Darkness" qui s’avère ma foi de très bonne facture, tout en restant sagement sur son territoire de série populaire aux ambitions limitées à un « simple et bon divertissement ».
Brühl est à côté de la plaque ? Facile à résoudre, il n’est plus qu’un personnage secondaire de l’intrigue, le devant de la scène étant occupé par le couple Dakota Fanning (à qui on a également demandé de se réveiller et de mettre un peu plus d’énergie dans son rôle) et Luke Evans. Marre des Serial Killers ? ça tombe bien, car le sujet de "Angel of Darkness" tourne autour d’une psychose féminine, ce qui permet de mettre au centre de la saison un personnage féminin peu habituel, lui, très bien incarné par une excellente Rosy McEwen, une actrice débutante au fort charisme, qui rappellerait presque la jeune Nicole Kidman. Trop de stéréotypes dans le scénario ? On adoptera cette fois un rythme original, avec plusieurs ruptures dans l’intrigue, qui permettent de relancer l’intérêt du téléspectateur sans (trop) er par le jeu usé des « faux coupables ». Et on ajoutera une bonne dose d’ambiguïté chez les personnages : plus de méchants vraiment caricaturaux, on se retrouve devant des « vrais » personnages de cinéma qui ont tous leurs raisons d’agir, et qui évoluent parce qu’ils sont – logiquement – affectés par les événements qu’ils vivent (on pense par exemple au Chief Thomas Byrne, très bien campé par un Ted Levine qui arrive enfin à surer son personnage emblématique du "Silence des Agneaux"…).
Mais là où l’équipe réunie autour de Caleb Carr – il n’est pas vraiment clair en l’occurrence qui est le showrunner ! – a redoublé d’intelligence, c’est en misant à nouveau sur les points forts de la première saison : le contexte historique et la jolie romance impossible entre Sara Howard et John Moore (Luke Evans, une fois encore impeccable, et prouvant ici qu’il a un réel potentiel pas encore assez exploité sur le grand écran…). Pour le contexte historique, même si l’on peut renâcler devant une vision anachronique de la lutte pour l’émancipation de la femme, on est gâtés, avec la présence dans l’histoire de William R. Hearst, représentation parfaite du tycoon « trumpien » (mais en plus intelligent) ayant une vision purement commerciale des medias, avec le conflit entre les Etats-Unis et l’Espagne autour de Cuba, et avec le sujet ionnant de la clinique servant à faire disparaître les conséquences gênantes des infidélités de ces messieurs de la haute société new-yorkaise. Du côté sentimental, nos cœurs de midinettes battront fort pour nos deux tourtereaux au long des huit épisodes de cette seconde saison, tout en reconnaissant que le triomphe final de la réalité a décidément bien de l’allure.
On en arriverait presque à espérer une troisième saison, pourquoi pas en Autriche, autour de la figure de Freud ?
[Critique écrite en 2020]
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