« Pourtant, il faut bien qu’il y ait des responsables… » marmonne Paul Minost, président de la banque d’Indochine, p. 192 du nouveau livre d’Eric Vuillard. Les responsables de la débâcle de la guerre d’Indochine et de ses 4 millions de morts (en comptant la guerre du Vietnam menée par les USA après la ), Une sortie honorable les cherche en circulant entre trois pôles : le pôle politique, dans les discussions à l’Assemblee, le pôle stratégique, dans le camp retranché de Diên Biên Phu, le pôle économique, au conseil d’istration de la banque d’Indochine. Ce faisant, il révèle les accointances incestueuses à l’œuvre entre le politique et l’économique - d’une manière similaire à ce qui fondait le récit de l’Ordre du jour.
Un peu plus tôt, c’est Henri Navarre, commandant du corps expéditionnaire français en Indochine, qui a une soudaine réminiscence d’une sentence entendue longtemps avant : « Plus on approche du pouvoir, moins on se sent responsable. » C’est tout l’enjeu d’Une sortie honorable, qui s’évertue à mesurer la distance entre ceux qui exercent le pouvoir et la réalité concrète de la guerre - qu’on n’entreverra que très brièvement, comme pour nous placer dans le même aveuglement que les protagonistes. C’est précisément ce qui fait, à chaque fois, l’intérêt des récits historiques de Vuillard : cette capacité à trouver systématiquement nos points aveugles, les trous dans le grand roman historique, et à les pointer sans didactisme dans des récits à la dramaturgie concise et étudiée.