Bien joué Callaghan

Le titre français e à côté du titre américain, je trouve : Why we can't wait, "Pourquoi nous ne pouvons pas attendre".


Cet ouvrage est principalement centré sur la campagne que mena la SCLC à Birmingham en 1963, et comment ce moment critique fut le déclencheur d'une prise de conscience générale dans l'opinion.


Il y a des points qui me crispent chez Martin Luther King. Sa capacité à mobiliser de petits mots anecdotiques invérifiables, parfaits pour illustrer son propos (une grand-mère qui boycotte les bus et dit "Je ne le fais pas pour moi, mais pour mes petits enfants, ce genre de propos rapporté). Son emphase un peu ampoulée, qui n'hésite pas à aller dans le registre du moral (ça rappelle un peu Kennedy, au fonds). Son goût pour les paradoxes comme "armée non-violente". Sa propension à mêler citation des écritures et allusion à une actualité brûlante. Le mec est un tribun, visiblement. Il aime parler depuis une estrade. Oui, ok, c'est son job de pasteur.


Il y a d'autres points que j'aime bien. Sa capacité à ne jamais perdre de vue les intérêts de ceux qu'il défend. Le sens de l'organisation et du timing qui transparaît. Sa ferveur activiste. Son manque de patience face aux libéraux qui tergiversent.



L'ouvrage se lit très bien. Il est découpé en huit chapitres.

- La révolution noire

Ce chapitre revient sur les causes de l'éclatement de l'été 1963. Le centenaire de l'abolition de l'esclavage en 1963, occasion de constater que l'intégration des Noirs restait au point mort, a joué. Les mouvements de décolonisation en Afrique également.

- L'arme qui sauve

King fait un rapide historique des promesses non tenues de l'abolition de l'esclavage. En faisant remarquer que, après la doctrine Du Bois, qui prônait de former des élites noires, après l'utopie de Marcus Garvey, le mouvement légaliste de la NAA, qui cherchait à améliorer la condition des Noirs en obtenant des arrêts des cours fédérales, était arrivé au point mort, les arrêts ne se traduisant pas par des changements. D'où la surprise créée par Rosa Parks à Montgomery en 1955-1956, suivi d'un échec à Albany en 1962, dont les leçons sont tirées. King rappelle aussi le repoussoir des Black Muslims, favorable à une autonomie des Noirs.

- Birmingham, fief de Bull Connor.

King revient sur le choix de cette ville sudiste, connue pour son maire qui refusait d'appliquer la loi fédérale anti-ségrégation, et qui connaissait alors une campagne pour sa réélection. Il explique les calculs : se focaliser sur l'interdictions aux Noirs de rentrer dans les snacks pour ne pas éparpiller le mouvement comme à Albany. Il explique les préparatifs : recruter des gens prêts à se faire arrêter, en leur faisant signer un engagement à ne pas réponse par la violence, et en récoltant l'argent devant servir ensuite à leur caution. Le but est de "remplir les prisons" comme disait Gandhi : pousser les policiers à montrer leur répression aveugle et mettre le pouvoir en difficulté une fois que les prisons seraient pleines.

- Un jour nouveau se lève sur Birmingham

Le déclenchement de la campagne (avec un rôle notable de Harry Bellafonte en leveur de fonds). Les réactions très critiques de l'ensemble de la presse, avec plusieurs arguments (Connor venait d'être chassé de la mairie, il suffisait d'être patient ; la SCLC de King s'immiscait dans un conflit local, etc...). On connaît la tentative d'assassinat sur King, qui n'était pas à sa chambre d'hôtel quand une bombe y explose, et les provocations pour pousser les Noirs à la fureur (elles échouent).

- Lettre de la prison de Birmingham.

Arrêté avec son compère Fred Shuttleworth, King synthétise dans cette lettre célèbre le but de son mouvement. Par une mobilisation non-violente, digne et massive, il veut démonter le stéréotype du Noir incontrôlable. Il démonte tous les arguments contre son mouvement, et ne mâche pas ses mots contre les libéraux qui disent que "ce nest pas le moment, il faut être patient..."

- Noirs et blancs réunis.

Kennedy se réveille, une partie de la presse bascule et le parti sudiste est ringardisé. De nombreuses entreprises comprennent que le vent a tourné et mettent en place des politiques de diversité et d'inclusion.

- L'été de notre colère.

Le mouvement s'amplifie avec une marche sur Washington restée célèbre : on e d'une mobilisation locale d'intérêt national à une mobilisation nationale qui fédère des célébrités et même des Blancs (dont les Eglises). A noter que King se met peu en avant alors que c'est vraiment SON moment.

- Les jours à venir.

Quelques perspectives pour l'avenir. Conseil de ne pas faire officiellement entrer le mouvement dans la clientèle démocrate. Leçon amère sur le fait que ce qui compte, c'est d'avoir l'oreille du président (King revient sur ses relations avec Ike, Kennedy et Johnson).


Ce livre est un modèle d'action militante bien calculée et bien encadrée, pour un

8
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le 23 avr. 2025

Modifiée

le 27 avr. 2025

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zardoz6704

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