Presque toujours on trouve là des petits nouveaux-nés, conçus l'hiver
d'avant, et qui attendent des parrains pour recevoir le sacrement du
baptême : il faut beaucoup d'enfants à ces races de pêcheurs que
l'Islande dévore.
Adulé de son vivant, quasiment-oublié de nos jours ou du moins peu lu, Pierre Loti vaut pourtant le détour ou plutôt la lecture. Pêcheur d'Islande est peut-être le seul de ses romans dont le titre dise quelque chose aujourd'hui. Enfin, je pense que le titre est beaucoup plus connu que le contenu.
Alors pour entrer dans le vif du sujet, le contenu. Yann est un islandais. Enfin pas un islandais d'Islande, mais un de ces pêcheurs bretons surnommés ainsi car partant, à leurs risques et périls, pendant plusieurs mois le long des côtes d'Islande pêcher la morue.Yann est grand, beau, fort et viril. Autant dire qu'il est autant recherché des filles que des employeurs. Mais il a promis de n'être marié qu'avec la Mer, cette épouse dangereuse et jalouse. Gaud, fille de riche, revenue dans sa région natale après plusieurs années ées à Paris, tombe elle aussi sous le charme du marin...
En tant que breton, enfin plus d'eau douce que d'eau de mer à ma grande honte, je ne cache pas un certain plaisir à avoir lu des noms de ville comme Paimpol ou Ploubazlanec, à avoir lu les belles descriptions que l'auteur fait de leurs paysages, de leurs habitants, de ces habitants de la mer, aussi bien ceux qui restent sur les rivages que ceux qui s'en éloignent par la grande étendue d'eau pour en revenir... ou pas, spirituellement et organiquement attachés à ces lieux.
Si on excepte un bond géographique vers l'Asie, qui lui aussi bénéficie d'une belle écriture mais qui n'était pas du tout utile à l'ensemble (il aurait pu tout aussi bien, même mieux, être décrit de loin !), rien à dire si ce n'est du bon, du très bon, on comprend tout à fait l'attachement qu'éprouve Loti pour ses personnages et on le partage entièrement, on ne peut qu'être tout à fait charmé par cette poésie maritime par un auteur, qui savait non seulement parfaitement de quoi il parlait mais qui en plus ne cachait absolument pas le plaisir qu'il a eu à le faire auprès de nous lecteurs. Il en ressort des pages belles, émouvantes pour ne pas dire quelquefois poignantes, qui vont droit au cœur ; que l'on soit breton ou pas.
Et là tout près, la mer toujours, la grande nourrice et la grande
dévorante de ces générations vigoureuses, s’agitant elle aussi,
faisant son bruit, prenant sa part de la fête…