Oreiller d'herbes
7.3
Oreiller d'herbes

livre de Natsume Sōseki (1906)

Le monde flottant de l'artiste

Dans la montagne, dans un champ de fleurs de colza, le narrateur / personnage principal contemple.
Il est arrivé de la grande Tôkyô, dans la campagne, à Nakoi. S'effacer de la ville, mais plus que se ressourcer, partir en quête d'imibilité et d'inspiration. Contempler et se dépersonnaliser. Emprunts au bouddhisme, éloge de l'état d'esprit et de la manière d'être de l'artiste, comme il doit idéalement être et comme il le serait dans l'art japonais. La relation entre l'artiste et ce qui l'entoure est une relation d'imibilité, dont découle l'inspiration.



Une même personne ne peux pas en même temps se mettre en colère et composer un haïku.



Haïku, peinture, estampe, calligraphie. Impermanence et relation au présent, à l'instant étiré dans le temps. Sôseki nous ballade entre Japon et Occident, et dans son œuvre traverse L'Ophélie de J. E. Millais. Omniprésente, symbole d'inspiration et de beauté artistique, mais aussi mystère : son expression, sa main hors de l'eau comme dans l'attente, ces fleurs autour de son corps ; morte et sereine.



Heureux qui peut s'arrêter.



Le plaisir de rester immobile dans une nature indépendante de l'homme, de le rester autant qu'on veut. Figé, au soleil, au sol, au bord de l'étang, en haut de la colline, dans la belle saison du printemps et de la renaissance. Errer sans but dans la saison idéale pour l'inspiration poétique et picturale. Voir les temples, boire du thé en compagnie des moines. Errer encore. Se laisser aller au vers. Trouver le sujet à peindre, la belle Nami, en attendant l'effet pittoresque qui viendra marquer son visage : un je ne sais quoi, comme une nostalgie, éphémère et ager mais d'une beauté éternelle.



En flottant, on échappe aux soufs de la vie.



Une histoire d'art, beaucoup, et de zen. Mais surtout d'un homme du monde flottant. Chant du rossignol, sûtra du Lotus, voyage dans la littérature et la poésie chinoises et japonaises, de Tao Yuanming à Tokutomi Roka en ant par le Manyôshû, et déambulation d’œuvres à l'encre de chine, de l'art de Wen Tong à celui de Sesshû.


Oreiller d'herbes c'est un roman-voyage au cœur de la sensibilité japonaise, que Sôseki renforce par son contraste avec la sensibilité occidentale ; roman où le narrateur est idée même d'artiste, un modèle, un archétype. Possibilité de création omniprésente, inspiration artistique offerte dans une attente sans but.

7
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le 19 janv. 2019

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Redmill

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