Océanique
7.9
Océanique

livre de Greg Egan (2009)

Scientisme virtuose

Je me suis parfois un peu ennuyé au fil de cet opus que lors de la découverte, émerveillée, des précédents. Egan y poursuit, avec virtuosité certes, le fil de ses "what if" hyper-informés des courants scientistes (athées, cognitivistes, mécanistes) contemporains. Ses automatismes militants m'agacent, je pense, pour des raisons similaires quoiqu'avec une intensité moindre, que m'avaient fort agacés les prêches sur la famille dont ce Mormon d'Orson Scott Card juge bon de pourrir les deux derniers tomes de la saga trilogie Ender. Cela nous vaut cependant quelques professions de foi que je trouve aussi maladroite qu'est souvent chez lui caricaturale l'expression des thèses inverses.


Cela dit, on pourra être iratif de la façon dont Egan travaille la forme dans le respect même de ses convictions. Peu de ses nouvelles, en effet, ne relèvent de l'héroïsme du conte de fée (genre : conflit/quête/premier échec/appui/résolution) - et donc de la forme classique de la narration en Occident, telle qu'ont pu la préciser, à la suite des russes, l'Ecole de Paris (Greimas) ou encore J. Campbell et son Voyage du Héros. Très souvent, le héros d'Egan ne résout rien définitivement, voire rien du tout. En revanche, il vit sa vie, à la mesure de ce que lui permettent les possibilités de son époque. Si ces dernières, développements subtilement fantasques de lignes théoriques parmi les plus spéculatives du moment (Gödel, Everett, ...), nous suscitent de ces fascinations qui sont l'un des fonds de la science-fiction, elles sont pour les acteurs des facteurs essentiellement limitants, desquels ils doivent tirer leurs propres éthiques - au sens d'un "what is it like to live in such a world?". A quelques exceptions près, ce sont des nouvelles en demi-teinte, sans résolution ni, donc, héroïsme, fidèle en cela à une conception du monde très ancrée dans le refus des paradis opiacés de la croyance en les arrières-mondes - certains protagonistes s'y voient sont même sacrifiés sur l'autel de cette croyance.


Cela nous vaut quelques jolies et, pour moi parfois entêtantes, peintures de personnages, et l'ennui que j'ai pu éprouver, sans doute par sevrage d'une narration plus héroïque, reste somme toute limité à quelques automatismes idéologiques, qui sont tout autant le moteur de l'oeuvre qu'elles me semblent, désormais, en ralentir le foisonnement possible.

7
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le 28 févr. 2016

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Kliban

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