Dans la lignée de l'Envers et l'Endroit, Albert Camus signe ici son deuxième essai publié en 1938.
Entre l'essai et la nouvelle parfois, l'auteur algérien narre ses différentes visites dans plusieurs lieux et de son état d'esprit de l'époque.
L'oeuvre, très courte, est un appel terrestre. Un appel, à la simplicité. Celle de la beauté du monde, de la jouissance de la simplicité. Un manifeste hédoniste en quelque sorte. Camus nous transporte et nous rappelle à quel point la vie est si belle et si simple. La poésie de ce livre embellit notre vision du monde, Camus appelle à dire Oui. Oui au soleil et à la mer, à cette puissance qui illumine notre être tout entier. À savourer la beauté de notre globe terrestre.
Mer, campagne, silence, parfums de cette terre, je m'emplissais d'une vie odorante et je mordais dans le fruit déjà doré du monde, bouleversé de sentir son jus sucré et fort couler le long de mes lèvres.
Albert Camus, Noces.
La description de ces lieux (Tipasa, Djémila ou encore Alger) font naître chez l'auteur une philosophie si touchante et entreprenante. Le temps influe réellement sur le tempérament de l'auteur à chaque ligne (le vent à Djémila entraîne un chapitre plus sombre que le soleil présent à Tipasa). Le philosophe relève aussi, dans son essai, la nécessité de se déposséder de tout. Notre corps, nos mythes, nos habits, nos espoirs, notre histoire est de revenir à l'essentiel. C'est à dire la vie, tant que cette dernière existe et que "la porte fermée de la mort", pour reprendre Noces, n'intervient pas. La mort viendra, mais d'abord il y a ce age si tumultueux et exquis de la vie.
J'ai trop de jeunesse en moi pour savoir parler de la mort
Albert Camus, Noces.
Une exaltation lyrique, envoûtante et palpable. Camus l'hédoniste nous propose sa méthode de vie et l'appel, sans condition, à la vie. Celle d'un athée qui, au lieu de chercher ce qu'il y a après la mort, cherche ce qu'il y a pendant la vie. Albert Camus, essaie, avec cette plume si plaisante, de retransmettre l'émotion vécue et ce que le corps a pu percevoir dans ces moments exaltants. Un essai empirique d'un intellectuel qui place non pas son cerveau mais son corps en premier lieu, en premier spectateur d'un merveilleux spectacle, celui que nous distribue le monde.
Car pour un homme, prendre conscience de son présent, c'est ne plus rien attendre.
Albert Camus, Noces.
La jeunesse, ce moteur de la vie que félicite Camus dans son oeuvre. La jeunesse algéroise qui profite de la vie est exemplaire selon l'auteur de l'Etranger. Elle vit au présent. C'est à dire à la meilleure des manières. Aucun recours à une transcendance divine d'une hypothétique future vie, la jeunesse prend conscience du prix inestimable de cette vie unique terrienne. Camus, lui aussi jeune à l'époque, dit Oui à la vie. Il est le reflet de cette jeunesse algéroise hédoniste et épicurienne. Noces est une apologie de cette affirmation universelle à la vie.
Ce peuple tout entier jeté dans son présent vit sans mythes, sans consolation
Albert Camus, Noces.
Un appel dionysien magistralement poétique au spectacle du monde que nul doit se priver. À savourer pour se remémorer la simplicité et l'innocente absurdité, de notre existence dans ce bas-monde.