Critique de Shaynning

Incontournable Février 2025

J'ai enfin un album sympathique pour traiter des danses, en plus de ses divers danseurs.

Perle est une petite boule d'énergie qui adore jouer des pieds et gigoter en tout sens avec entrain. Quand elle participe au cours de danse de sa sœur, la professeur demande aux jeunes de la classe de danser "en imaginant danser avec une créature splendide pleine de grâce". On voit alors tout le monde incarner un type de danse différente avec un animal différent, un cha-cha-cha avec un siamois, une danse contemporaine avec un jaguar ou encore un ballet classique avec un cygne. Mais Perle se fait comparer à un dinosaure, car son style n'inspire pas la grâce demandée. Devant ce constat, Perle perd son envie de danser et préfère s'isoler dans la toilette. Soudain, un gros, un bruyant, un enthousiaste tyrannosaure émerge juste derrière la toilette et entraine Perle dans une séquence de danse endiablée ( et destructrice aussi!). Quand la professeur réalise tout le beau potentiel de la jeune danseuse, elle revoit son jugement initial, félicite la demoiselle, mais mentionne qu'il lui faudra un cours plus adapté à son style de mouvement. C'est ainsi que Perle intègre un cour de claquette, juste parfait pour ses pieds

Il y a quelque chose d'étrangement satisfaisant dans cette histoire, car pour une fois, je vois une danseuse de ballet classique sortir du stupide cliché de la ballerine snob et rigide pour endosser son vrai rôle: ionnée de danse. La professeur a une première réaction certes ordinaire en disant à Perle qu'elle danse comme un dinosaure, mais elle se reprend à la fin quand elle voit avec quel enthousiasme et quelles tripes la petite demoiselle danse. Mieux, elle lui propose une danse plus adaptée à ce que Perle aime faire, c'est-à-dire marteler avec ses pieds. Et puis, la claquette est une danse festive et joyeuse, ça colle bien à son tempérament solaire.

Au-delà du ballet et des danses, il y a le thème du conformisme. Si tous les artistes s'étaient contentés de reproduire les mêmes routines en suivant les mêmes codes, on irait pas loin côté culture. Il y a donc un certain degré de transgression qu'il faut savoir en arts, peut importe l'art. Il faut faire de cet art "son art", avec ses couleurs personnelles et parfois trancher avec les normes et les codes. Perle est chanceuse, la claquette, danse déjà existante, se prête bien à sa façon de danser, mais au pire, elle aurait aussi pu créer un nouveau style de danse. Au-delà des bases qu'il faut développer en danse, l'expression de soi et de son ressenti sont différentes pour chaque danseur. Il n'y a donc pas deux danseurs identiques, même dans un style très similaire. C'est ce qui se dégage de Perle, qui va endosser sa différence parce que c'est ainsi qu'elle danse, tout simplement. Au final elle était simplement dans le mauvais cours.

Pourtant, vous remarquerez que dans la classe de danse, bien que la professeur ait une formation en ballet classique, les élèves ont presque tous un style marquant une danse: samba, cha-cha, contemporain, etc. Ces danses avaient en commun ce que la prof appelle "la grâce" et c'est cet élément qui, en effet, fait défaut à Perle. C'est son côté bruyant et gesticulant qui contrastait avec les styles des autres, mais il n'en est pas moins "de la danse".

Enfin, je sais que ce n'est qu'un détail, mais j'aime que ce soit une fille qui s'exprime bruyamment et avec ses pieds, encore une fois loin des nombreuses filles gracieuses représentées en jeunesse. Et qui fait de la claquette, en plus! La voir à travers les pages virevoltante avec son gros dinosaure, deux boules d'énergies naviguant dans le décor en cassant tout dans la joie était très divertissant. Par ailleurs, j'apprécie la présence des garçons danseurs, eux aussi beaucoup trop peu représentés à mon goût dans la littérature jeunesse ( Sauf en hip hop, là ils sont légions).

Le graphisme haut en couleurs ne manquait pas d'énergie lui non plus, avec une petite mention pour cette page avec les enfants représentant divers danse, avec un animal symbolique pour chacun.e. J'aime qu'on ait rapproché ainsi la gestuelle des animaux à celle de la danse, car une grande part de ce qui nous inspire dans les milieux artistiques provient de nos racines, donc de la nature elle-même. D'ailleurs, les animaux et insectes aussi pratiquent des danses ( notamment celle de l'araignée paon).

Un album qui a du swing!

Pour un lectorat préscolaire, 4-5 ans+