Les Choses
7.4
Les Choses

livre de Georges Perec (1965)

D'obscures choses.

Les Lettres Françaises, 1965 : "Les choses" ? C'est un titre qui intrigue, qui alimente les malentendus. Plutôt qu'un livre sur les choses, au fond n'avez vous pas écrit un livre sur le bonheur ?

Le quatrième de couverture commençait comme ça, une question, et sa réponse. En lisant ça, je me trouvais aussi peu renseigné que souvent, mais je dois dire que ça me va, je n'aime pas trop en savoir plus. "Un livre sur le bonheur", voilà bien qui donne envie. Je n'ai pas perdu de temps. J'ai l'envie sauvage parfois, j'l'ai dévoré ce pauvre petit - chose - en quelques heures, intenses, magnifiques dans la vie de ces deux. Oh, ons là-dessus, vous mettrez l'adjectif vous-même, après l'avoir lu.

Attention, c'est du Perec ; on commence sans pitié avec un chapitre au conditionnel, la description d'une pièce s'étale sur des pages, après la Vie, mode d'emploi, on se sent chez soi, et puis on part, on se promène à travers le temps et les années 60, entre futur et imparfait. Est-ce un roman ? Est-ce une.. étude sociologique.. mais en moins lourd ? Je ne sais pas, même après l'avoir lu, et aimé comme je l'ai aimé, je n'en ai pas la moindre idée. Et je crois que je m'en fiche. Jérôme et Sylvie n'ont pas besoin de précision, ils existent et vivent entre ces lignes. De leurs études peu glorieuses à leurs jeunes joies parisiennes. D'un age en Tunisie au retour en province. Il y a tout d'eux dans ce livre. Et même si j'ai moins aimé la fin, je laisse ce dix sans amertume, parce que la première partie m'a retourné voyez-vous. Et j'en reviens à nos chères Lettres Françaises.

Un "livre sur le bonheur" ? Mais allez-vous pendre. Perec écrit au scalpel, avec la distance froide du chirurgien qui regarde les organes se détruire, Perec découpe sans pitié, ne laisse aucune chance, jamais. Pire, il s'acharne régulièrement à nous donner les preuves de l'impossibilité de quelque véritable bonheur, de la misère, du ridicule. Et je crois que je n'avais jamais lu ça comme ça.

"Ce qu'il y avait de nouveau était tellement insidieux, tellement flou, tellement lié à leur unique histoire, à leurs rêves. Ils étaient las. Ils avaient vieilli, oui. Ils avaient l'impression, certains jours, qu'ils n'avaient pas commencé à vivre. Mais, de plus en plus, la vie qu'ils menaient leur semblaient fragile, éphémère, et ils se sentaient sans force, comme si l'attente, la gêne, l'étroitesse les avaient usés, comme si tout avait été naturel : les désirs inassouvis, les joies imparfaites, le temps perdu."
[Oh, ils ont quoi, vingt quatre ans ?]
10
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JZD

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le 26 juil. 2013

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J. Z. D.

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