Georges est un solitaire. Ce travail de garde forestier lui convient parfaitement. Ses rares confrontations à ses semblables ne sont pas un moment de fête. D’ailleurs, il se concentre sur la tache particulière de repérer leurs tics de langage, qu’il consigne scrupuleusement dans un carnet. On devine un é douloureux, des séparations.
Et l’on comprend peu à peu une autre ombre au tableau, A l’horizon 2030, le fascisme est au pouvoir, et à la manière de despotes que l’actualité met en avant actuellement, le remaniement des institutions permet d’installer une dictature en bonne et due forme. Avec ce que cela implique de protectionnisme aux frontières.
Justement, Georges prend en stop un de ces malheureux que le destin a mis sur les routes, depuis l’Afghanistan. L’homme l’émeut, et Georges l’accueille et le soutient de son mieux dans ses démarches parfois absurdes pour pouvoir rester sur le territoire. La conjecture est sombre et Salman finit par être expulsé vers un pays que l’on fuit en raison de l’irradiation dont il a été victime. Georges n’hésite pas : destination la Roumanie, pour tenter de sortir celui qui est devenu son ami, presque un fils adoptif, des griffes des geôliers qui le retiennent là-bas.
Il s’en suit un road trip calamiteux, au hasard des rencontres sur le trajet. Il a sûrement perdu en tranquillité, notre héros solitaire, il est gravement sorti de sa routine et sans doute pour son plus grand bien, malgré les mises en danger permanentes. Il faut dire que le truculent Dragos rencontré à Budapest fait voler en éclat les réserves initiales. C’est un vrai bonheur de tourner les pages de cette dystopie, qui pourrait bien à court terme, hélas devenir la réalité. Les personnages sont imparfaits, chargés des tourments de leurs histoires, et de leurs faiblesses, unis par les circonstances que l’on sait. S’ils ne se sont pas choisis, ils ont fait avec ce que le destin leur a concocté.
Le récit ne manque pas d’humour, et les dialogues sont réjouissants, ce qui allège un peu la noirceur du propos. Car certains ages sont durs, émouvants ou révoltants. Beaucoup d’émotions au rendez-vous.
J’ai vraiment adoré ce roman dense, riche, de ceux que l’on a du mal à quitter (qui sait ce que vont vivre encore ces personnages, ceux qui ont survécu , sans nous, lecteurs, quand on aura tourné la dernière page ?)