Le prisonnier de son univers ?
Non, Carlos, tu ne t'en tireras pas sur ce coup-là. Si tu avais été un auteur de seconde zone, un Guillaume Musso de corrida, je n'aurais eu qu'à m'en prendre à moi-même. Mais là, j'avais bon espoir : L'Ombre du Vent et Le Jeu de l'Ange étaient si prenants, tant par tes intrigues riches que par ta représentation d'une Barcelone du début du XXe siècle si mystique.
Mais là, c'est du grand n'importe quoi. Pour être plus précise, tu as fait du grand n'importe quoi avec des idées vraiment bonnes. Revenir sur le é de Fermin et du même coup retranscrire l'ascension du nationalisme en Espagne, c'était une bonne idée. Se faire rencontrer des personnages des deux tomes précédents, c'était une bonne idée. Rendre hommage au Comte de Monte-Cristo, c'était une bonne idée. Mais Edmond Dantès, il lui arrive des bricoles après, il ne part pas roucouler avec Haydée une centaine de pages après s'être évadée du château d'If sans qu'il ne fasse quoique ce soit.
Tu lances des intrigues que tu ne mènes pas au bout, te cachant derrière tes personnages devenus soudainement bien prudents. L'action principale se situant en 1957-1958 et l'épilogue en 1960, Daniel n'entend plus parler de Valls (le bien-nommé) jusqu'à ce qu'il sache où le retrouver ? (Comme vous le voyez, je suis énervée, donc je spoile et sors des gros clichés sans prévenir). D'ailleurs, quid de l'intérêt dudit M. Valls (M. aka Mauricio) pour le Cimetière des Livres Oubliés ? Enfin, tu sors la cousine de Naples, soulignes de manière on ne peut plus exagérée sa ressemblance avec la défunte mère du personnage principal, et ? Et rien. Parce qu'on touche à la fin.
Qu'est-ce que c'est bourré d'incohérences... C'est bien ça qui m'a gavée au début de ma lecture (il faut attendre un peu pour voir que l'action de ton bouquin est bancale). Dans l'épilogue du Jeu de l'Ange, qui se déroule en 1945, David Martin apprend qu'Isabella a eu un bébé. Comment se fait-il qu'en 1940, il soit déjà au courant de l'existence de Daniel, d'autant plus qu'il est en prison ce qui complique légèrement la transmission d'informations ? Pour calmer ton lecteur, Carlos, tu as eu l'idée de sortir l'idée "Hey mais vous savez, le livre que vous avez lu précédemment, il est à prendre avec des pincettes, parce que c'est un fou qui l'a écrit". Ca calme. Un temps. Et puis tu fais dans la surenchère d'incohérences, pensant que tu as trouvé la bonne excuse. Et hop ! Il apprend qu'Isabella a été assassinée, élément jamais mentionné à la fin du tome précédent. C'est là qu'on se dit que non seulement tu as trouvé, une fois de plus, la bonne planque, mais que tu as détruit Le Jeu de l'Ange : parce que si le personnage est fou, on n'en a plus rien à faire de la crédibilité du fantastique.
Je suppose que Le Prisonnier du Ciel ne clôt pas la saga du Cimetière des Livres Oubliés. Sinon, félicitations, tu t'es tiré une balle dans le pied tout en continuant à te l'enfoncer dans le cartilage. Alors Carlos, voilà mes hypothèses : soit tu as senti le filon, soit ton éditeur l'a senti pour toi et t'a fortement incité à boucler la trilogie. Si c'est le cas, ta situation serait bien ironique...