Je triche un peu en réécrivant une critique sur Le Maître du haut château que j'ai réellement lu cette fois-ci. Je ne sais pas si c'est la remarquable traduction de Michelle Charrier aux éditions J'ai lu mais j'ai trouvé le roman de Philip K. Dick remarquable de limpidité, loin du personnage abscons forgé par l'auteur lui-même.
Le Maître du haut château est un classique de la science-fiction et plus particulièrement de l'uchronie. Publié aux Etats-Unis en 1962, il reçoit le prestigieux Prix Hugo l'année suivante. Il a été adapté à la tv dans les années 2010. Jusque là Philip K. Dick.
Philip K. Dick, comme souvent sa vie, est une période dépressive. Il est alors en couple avec une jeune femme prénommée Anne qui fait bouillir la marmite du couple en confectionnant des bijoux. Cela a de l'importance pour la compréhension du roman. Ses romans réalistes se sont soldés par des échecs. Pourtant, il se remet à écrire et trouve l'idée du Maître du haut château en lisant le roman Autant en emporte le temps de Ward Moore, paru en 1953, ouvrage uchronique, dans lequel les Sudistes remportent la Guerre de Sécession. Quant à lui, il part du principe que les forces de l'Axe ont gagné la 2d guerre mondial en 1948. Les Etats-Unis sont divisés en trois parties: côte est par les Nazis, côte ouest par les Japonais et partie centrale dite libre.
L'action principale se déroule alors en Californie, occupée au moment de l'action, plusieurs années après la fin de la guerre, par les Japonais. Philip K. Dick tisse le portrait de plusieurs personnages. On a Franck Frinck qui fabrique des artefacts de la culture américaine, notamment de la Guerre de Sécession, pour une clientèle japonaise friande de ces objets. On est complètement dans l'univers de Philip K. Dick qui s'interroge constamment sur le vrai et le faux. On a un japonais, Mr. Tagomi, qui va se retrouver pendant un moment bref dans un univers parallèle qui ressemble beaucoup au nôtre. On a l'ex femme de Frink, Juliana, qui se trouve dans la zone dite libre. Elle y est amenée à rechercher l'auteur d'un livre, Le poids de la sauterelle. Son auteur y relate une histoire alternative où les Alliés auraient gagné la guerre au profit du Royaume Uni. L'ensemble des personnages se réfèrent un ouvrage divinatoire millénaire chinois, le Yi King, censé répondre à leurs interrogations. A la fin du roman, Julian interroge le Yi King sur la véracité des faits relatés pas la roman et la réponse est positive. Le vrai univers est donc celui du livre et non celui du livre que nous lecteurs sommes en train de lire. Notre univers, celui aperçu par Tagomi, est donc faux. Le lecteur se trouve par cette mise en abyme dans une situation schizophrène.
Le Maître du haut château est aujourd'hui le roman incontournable quand on parle d'uchronie aujourd'hui. Il a relancé un genre littéraire datant du XIXè siècle Le mot a été inventé par Charles Renouvier, qui intitule Uchronie, l’utopie dans l’histoire. Mais ce qui frappe dans ce roman, c'est son caractère réaliste. Il y a des éléments de science-fiction comme l'avion fusée des Nazis et leur volonté de conquérir l'espace, mais ceux-ci restent en arrière plan. On perçoit par là la volonté de Philip K. Dick d'être reconnu comme un auteur de littérature générale et non de genre. Pourtant, on retrouve les mêmes thèmes dans ses romans dits de science-fiction avec la déshumanisation, l'absence d'empathie... Les personnages sont déés par les évènements . Ils ne comprennent pas ce qui leur arrive. Le lecteur est amené à réfléchir sur leur destin sans pour autant trouver une seule explication. C'est tout l'art de Philip K. Dick.