Encore un journal d'Annie Ernaux. Des notes prises entre 1994 et 1999, des scènes de vie qui surgissent du RER, des SDF, des moignons de SDF, des pauvres, des explosions au kosovo et dans le métro, la caissière du Auchan, anonymes aujourd'hui publiés.
Ce livre a l'avantage d'être tourné vers notre epoque. Le paysage n'a pas bougé. Les hommes politiques sont les mêmes. Les SDF et ceux qui les ignore sont les mêmes. Il y a quelques formules que l'on aime, que l'on relit, qui surgissent de cette banalité. Baudelaire change la boue en or, Annie Ernaux donne à voir cette boue avec des mots en étain. Ces mots semblent avoir une certaine force, un bon agencement, elle a de bonnes idées mais elle est bien incapable d'en faire une histoire touchante fictionalisée.
Ainsi ces notes sur un carnet obtiennent le prix Nobel car décrivent parfaitement le monde qui entoure l'actrice à la fin du XXe siècle. Ça il n y a pas de doute. Mais quand il s'agit d'en faire une véritable histoire, un vrai roman, la réalité se heurte à la fiction et tombe en lambeaux. Elle se cache alors derrière la distance du temps ; ce n'est pas elle qui semble avoir écrit ça. Ce livre est une jolie trace, un texte que l'on pourrait qualifier de "précurseur" mais qui ne transcendera personne.
C'est parfois beau, souvent vrai et c'est peut-être le problème.