La Femme et le Pantin
7.8
La Femme et le Pantin

livre de Pierre Louÿs (1898)

Un beau récit mais...

On ne peut pas enlever à cette œuvre sa beauté sur bien des aspects. La narration fait preuve d’une force maîtrisée de bout en bout. Difficile, une fois que l’on est plongé dedans, de ne pas le lire d’une traite – ce que j’ai d’ailleurs fait.
Le cadre est posé de façon magistrale. La scène du début, notamment, dans le train enseveli sous la neige, est splendide. Par la suite, on arpente les rues de Séville aux côtés d’André ou de Matteo, on se sent écrasé, presque oppressé par la chaleur moite de ses ruelles.
L’histoire monte au fur et à mesure en intensité, et nous donne envie de tourner fébrilement les pages dans l’attente du dénouement.


Spoilers à venir :
A côté de cela, pour des raisons probablement personnelles, difficile pour moi d’adhérer au thème de ce roman.
Celui qui raconte l’histoire d’une toute jeune femme – une enfant sur bien des points- qui séduit, malmène, manipule, humilie, un homme de vingt ans son aîné. Qui, impuissant, en redemande.


Pardon, mais Concha est de ces femmes fatales qui n’existent que dans l’imaginaire des hommes.


Le récit est construit de telle façon à ce que la perception de la perversité se renverse. Ce n’est plus Matteo, qui du haut de ses trente-sept ans se prend d’amour et de désir pour Concha, (je le rappelle, une jeune fille dont le physique tend plus vers l’enfant que vers la femme) qui nous pose problème mais bien la manière dont elle le mène par le bout du nez. Elle est malhonnête, cruelle.
Lorsque, à bout de forces, épuisé, le cœur brisé, il craque enfin et la tabasse, c’est elle que l’on tend à blâmer. Elle qui lui a extorqué de l’argent, de l’amour, elle qui l’a provoqué, poussé à bout… elle a mérité ce qui lui arrive. Tout ce dont rêvait Matteo, c’était de l’épo et de lui faire vivre une vie de princesse jusqu’à la fin de ses jours…


Comble du malsain, ce n’est qu’en perdant contrôle de lui-même qu’il devient enfin séduisant et excitant aux yeux de Concha. C’est en étant ée à tabac par un homme, un vrai, qu’elle en tombe éperdument, jalousement amoureuse. Lui offre sa virginité.


Certes, le récit a été publié en 1898. Il n’empêche qu’il suffit de regarder l’actualité pour voir que les problèmes qu’il soulève ne sont pas propres à son époque. Il participe à construire cet imaginaire de la femme vile, manipulatrice, source de la violence. Concha ne peut s’en prendre qu’à elle-même. Matteo ne serait jamais é à l’acte si elle avait été plus gentille. Une femme qui manipule un homme tel un pantin doit s’attendre au retour de bâton. Une croyance populaire pas prête encore de s’éteindre.

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le 19 févr. 2018

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Isadora-zelda

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