Nuit d'absinthe, la première et unique traduction de Ayfer Tunç, jusqu'à avril de cette années, date de 2013. Autant dire que la découverte de La agère des neiges, chez Zulma, a tout de la bonne surprise, pour peu que l'on apprécie les nouvelles, quant elles sont aussi cinglantes que celles-ci. Les récits sont au nombre de six mais le premier d'entre eux les domine, par sa longueur, d'abord, à peu près celle d'une novella, mais aussi par son ambition. C'est toute une vie qui est rembobinée, d'un musicien d'Istanbul, un temps exilé à Beyrouth, qui connaît les affres de l'amour et la déception qui s'ensuit, avant de faire souffrir la femme qui est la seule à l'aimer. C'est un conte cruel, écrit dans un style élégant et sûr, qui met parfaitement en condition pour les 5 nouvelles suivantes, toutes centrées sur l'amour et racontées à partir d'un personnage masculin que l'autrice turque s'amuse, de manière machiavélique, malicieuse et peut-être un peu sadique, à pousser dans ses retranchements, qui sont finalement assez limités. L'écrivaine écrit sur la déception amère des existences, sur leur solitude, leur vacuité, leur égoïsme ou leur désespoir, sur la condition féminine, aussi, et sur les disparités de la société turque, d'Istanbul à un bourg rural, qui pourrait être situé en Anatolie. Cerise ironique sur le gâteau, la dernière nouvelle évoque l'errance de personnages en quête d'auteur et donc de hauteur, dont l'existence fictive est faite de folles espérances et de déréliction. Au fond, ne sont-ils pareils à nous, pauvres humains, dont la vie ne dépend que du regard, affectionné ou non, des autres.