Une constante dans les romans de Vuillard: montrer les aspects triviaux, humains, anarchiques, guignolesques et inattendus des pires épisodes de notre Histoire. Que ce soit avec le génocide des indiens d'Amérique (Tristesse de la terre), les méfaits de la colonisation (Congo) ou l'horreur du III eme Reich (L'Ordre du Jour), Vuillard raconte des anecdotes qui décrédibilisent systématiquement le récit historique tel qu'il a été écrit par les vainqueurs. Il nous aide à comprendre (mais aussi ressentir) que même les épisodes clés de notre histoire contemporaine tels qu'on croit les connaître sont des représentations ou des mythes alors que la réalité est bancale, terne et peu reluisante.
Ainsi, dans l'Ordre du jour, on apprend que le Blitzkrieg relève plus de la propagande que de la réalité (alors que les chars d'assaut allemands sont en réalité tombés en panne). On lit que la diplomatie hitlérienne se jouait à coup de bluff et de numéros de mauvais acteurs entre l'ambassadeur allemand à Londres et le Ministre des Affaires Etrangères anglais (qui ne détestait pas tant que cela son homologue nazi puisqu'il lui louait, à titre personnel, son appartement). On découvre le rôle, aujourd'hui effacé dans l'histoire officielle, des grands industriels (champions de l'économie allemande triomphante d'aujourd'hui) qui ont financé l'ascension d'Hitler au pouvoir et ont eu recours à la main d'oeuvre des camps. Et finalement, se fait jour le rôle dissimulé mais constant dans l'Histoire de l'argent, de l'esprit de classe, de l'avarice et de la protection des intérêts personnels.
C'est bien écrit. C'est enrichissant, érudit et subtil. C'est une lecture nécessaire (comme tous les ouvrages de Vuillard) pour comprendre l'Histoire, la politique et la faiblesse des hommes.