Quand je lis parfois je m’éparpille. Aujourd’hui par exemple. J’ai commençais ce matin, en lisant quelques page de Bailler devant dieu, d’Inaki Uriarte. C’est un journal. Un journal où il livre ses pensées, ses idées, ses observations. Il se décrit lui-même comme un paresseux. Chaque jour heureux de ne pas avoir à travailler. Comment ne pas s’identifier ? Ses observations sont courtes, et on peut en lire quelques pages, reposer le livre, pour y revenir ensuite. On peut le lire paresseusement. J’aime les livres qu’on peut lire avec paresse. Les entrées de son journal sont souvent légères, parfois drôles. Ce qui me donne envie de relire un peu de Brautigan. Des nouvelles. Tokyo-Montana Express, que je n’ai pas ouvert depuis un bout de temps. Comme Uriarte, on peut lire Brautigan en prenant son temps. En faisant d’autres choses. En regardant quelque temps le plafond, comme s’il s’agissait d’un grand écran de cinéma, sur lequel eraient des pensées. En ouvrant le livre au hasard, pour s’y perdre quelques pages, et en ressortir heureux. Je reviens toujours vers Brautigan. Brautigan est comme le gâteau au chocolat de ma mère. Je sais bien qu’il y en a des meilleurs, mais c’est celui-là que je préfère.
Après ces deux lectures matinales, je me dis que je lirais bien du Modiano. J’en ai justement emprunté un à la bibliothèque, que je vais bientôt devoir rendre. L’horizon. J’aime bien Modiano. J’ai lu un de ses livres pour la première fois dans le train, l’automne dernier en revenant de Figeac. Un train est un bon lieu pour lire Modiano. Un lieu de age, comme ces livres en sont remplies. Modiano m’a fait aimer Paris, ce qui n’était vraiment pas gagné. Avant Paris ne m'intéressait pas tellement. Pas tellement du tout. Je préférais tout autant aller à Saint-Omer. Ou alors à Courtrai. Mais maintenant, Paris parfois me prend l’envie d’y aller. De me perdre en marchant au hasard dans ses longues rues. Ou d’y er des journées entières dans de vieux cafés, à regarder le temps er.
Les livres de Modiano se lisant vite, je le termine en fin d’après-midi, et l’envie me prend de lire des haïkus. Je regarde dans la vieille étagère en métal qu’il y avait quand j’étais petit dans le garage chez mes parents, puis qu’il y avait abandonné dans le jardin, puis que j’ai reprise en déménageant, que j’ai repeinte en noir, et sur laquelle j’ai posé en plus de toute une collection de petits objets inutiles, des recueils de haïkus. Puis je regarde dans la pile de livres posée sous l’une des chaises du salon, et trouve ce que je cherche. Un recueil de Soseki, que je lis installé sur le canapé, alors que la nuit est tombée.
Il y a des piles de livres un peu partout dans le salon. Et dans la chambre aussi. Des piles de livres sur les étagères, des piles de livres sous les chaises, des piles de livres dans les cheminées, des piles de livres sur les rebords de fenêtre. Ils forment un paysage citadin, avec des rues et des boulevards, de petits immeubles et des gratte-ciels. Une ville en mouvement. En constante transformation. Parfois des rues disparaissent, et des quartiers complets s'ajoutent le temps d’une journée.